Delia et Kara

Le Mode Delian est un court métrage documentaire de Kara Blake ayant pour sujet le travail de Delia Derbyshire. Je l'ai vu pour la première fois, il y a quelques années, au festival Regard sur le court métrage à Chicoutimi et je me rappelle avoir découvert avec enthousiasme Delia, musicienne électronique, et Kara, réalisatrice et animatrice, deux artistes qui m'étaient inconnues jusqu'à ce jour.

DELIA

Dans le film, nous apprenons à connaître l'artiste à travers un tissage de documents d'archives et d'entrevues avec des proches et des musiciens, liés par la touche personnelle de la réalisatrice.

The Delian Mode - trailer

Les images d'archives offrent une fenêtre en noir et blanc sur le département de radio de la BBC des années 1960, où Delia a travaillé, composé et produit une grande partie de son oeuvre. Esprit mathématique, elle conçoit ses pièces dans sa tête et sur papier telles des formules. Elle est consciencieuse, minutieuse et son travail est autant cérébral que manuel ; elle travaille avec des générateurs de sons et des enregistrements sur bandes magnétiques qu'elle manipule pour créer des ambiances sonores et des compositions.

L'oeuvre pour laquelle elle est la plus connue, le générique de l'émission Doctor Who

Les entrevues réalisées en 2008 démontrent l'impact qu'a eu cette pionnière auprès de générations de musiciens lui ayant succédé. Le tout est lié par des images de Kara : des ambiances du quotidien, un cadre près d'une plante, un fil téléphonique par terre, et la musique de Delia.

Autre exemple d'une oeuvre instrumentale de Delia Derbyshire

KARA

Le personnage secondaire, et pourtant omniprésent tout au long du documentaire, est sa réalisatrice, Kara Blake. Kara fait des films intimes, traversés d'une présence féminine, qui racontent l'histoire et la vie à travers les objets du quotidien, voire du passé. Son film Le Mode Delian est un bel exemple de ce qui caractérise l'ensemble de son oeuvre. À mon avis, cela passe autant par son savoir faire technique que par son amour de la musique, et son désir de raconter des histoires à une échelle humaine.

À travers ses oeuvres, qu'elles soient animées image par image, composées avec des documents d'archives et agrémentées de ses propres images, on découvre que Kara maîtrise avec une grande créativité les médiums qu'elle utilise. Elle met en avant les textures propres à chaque support, que ce soit la pellicule, la photo, l'animation ou la projection, et n'hésite pas à faire des mélanges heureux et à traverser les disciplines visuelles dans la même oeuvre.

La musique occupe toujours une place importante dans ses films, elle a d'ailleurs réalisé plusieurs vidéoclips d'artistes musicaux montréalais tels que The Besnard Lakes et Krista Muir. Dans son travail, la musique se noue à l'image pour créer un ensemble indissociable, et pour moi le meilleur exemple de cette tendance est illustré dans Ringer.

Ringer

Les histoires qu'elle nous raconte dans ses projets, elle nous les raconte à une échelle humaine. Elle présente un quotidien qui est emprunt de poésie, elle passe par des lieux communs pour présenter une histoire unique. J'ai personnellement beaucoup aimé découvrir son oeuvre Traum_a, où elle imagine un parcours dans la ville natale de F.W. Murnau qui aurait pu inspirer celui-ci pour ses films Nosferatu ou Sunrise.

Traum_a

Réalisatrice basée à Montréal, Kara Blake trouve ses sujets ici et ailleurs. Après être allée en Angleterre pour le documentaire dont il est question dans ce texte, elle a trouvé l'inspiration en Argentine pour son film suivant, Derby & Groma.

Quant à Delia, elle continue à influencer les musiciens contemporains jusqu'à ce jour. Reconaissez-vous Delia à travers cette pièce du groupe sud-africain Die Antwoord ?