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.dpi no10 :: La mobilité sous contrôle :: Chantal Dumas

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Le thème du 10è numéro de .dpi, «le contrôle des masses», est un sujet des plus à propos dans le contexte mondial actuel. En fait, ce sujet soulève d’importantes questions de société.

Des mots comme mondialisation, économie de marché, transgénique, MOSANTO, biotechnologie, Spermator, biogénétique, clonage, 9/11 et Google rappellent à tout moment que la science, l’économie et l’informatique forment un trio intimement lié.

Dans Le principe d’humanité publié aux Éditions du Seuil en 2001, Jean-Claude Guillebaud parle de trois révolutions qui se déroulent simultanément (économique, informatique et génétique). Il démontre comment leurs effets conjugués menacent les fondements du principe d’humanité. Sa réflexion développée sur 505 pages et appuyée de nombreux exemples, pose la question de savoir «si l’on saura encore définir – et défendre – l’irréductible humanité de l’homme ? ». Toute la question est là. L’irréductible humanité.

Dans la mise en place de politiques de contrôle (en lien au déplacement des individus pour citer comme exemples les mesures implantées dans le transport aérien – aéroport depuis le 11 septembre 2001), ou encore la culture transgénique qui amène la privatisation et un droit de propriété des semences, c’est bien un contrôle qui est exercé.

Et de l’être humain dont il s’agit, de ses droits et de ce qui le définit.

Peut-être trouvez-vous que je m’éloigne de notre grand thème, la mobilité ? Ce numéro par ses articles et chroniques présentent différentes perspectives et projets qui développent cette thématique.

Sophie Le Phat-Ho signe un article où elle parle de la projection qui est faite de l’utilisation des micro-puces RFID («radio frequency indentification»). En ce moment, les RFID font l’objet d’expérimentation par plusieurs artistes. Plus inquiétant, leur utilisation en tant qu’implants humains apparaît comme une proposition de la réforme américaine pour le contrôle du déplacement des travailleurs étrangers et des immigrants.

Paule Makrous a suivi pour nous le festival les HTMlles qui se déroulait du 17 au 21 octobre dernier à Montréal. Elle trace un parcours où elle regroupe sous des thématiques dynamiques les diverses œuvres présentées.

Alejandra Nunez Perez, artiste sonore d’origine chilienne, était en résidence au Studio XX en octobre dernier. Pendant son séjour, elle a réalisé une œuvre Web, semamap .dpi. Il s’agit d’une recherche sémantique faite à partir du 9 ème numéro de notre revue électronique. Elle explique dans son article l’origine de cette recherche et son appropriation du texte.

En complément de programme, nous retrouvons une chronique d’une nouvelle collaboratrice Léna Massiani qui pour défier la gravité de ce thème, nous introduit au travail de la chorégraphe française Kitsou Dubois dont les recherches chorégraphiques sont associées à l’apesanteur.

La chronique Actualité, nous amène au cœur des débats qui prennent place au Québec dans le cadre de la Commission Bouchard-Taylor, sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles. Comme le souligne Sophie Le Phat-Ho, «une diversité d’idées et de jugements ont fait surface ces derniers mois dont une grande partie au nom des «droits des femmes.» L’auteure nous invite à participer à la discussion de manière créative. Pour nourrir cette réflexion, elle propose des exemples d’artistes et de projets, ainsi qu’une liste de ressources sur la théorie postcoloniale et le féminisme de troisième vague.

Pour terminer, je ne voudrais pas passer sous silence l’œuvre présentée dans la bannière de ce numéro. Elle est de l’artiste serbienne Nataša Teofilovic. s.h.e est une version Web d’une animation 3D présentée sous forme d’installation où les personnages tentent d’établir un contact avec les humains qui les regardent.

http://www.htmlles.net/2007/fr/Natasa_Teofilovic_f

Voilà de quoi nourrir vos réflexions et conversations du temps des Fêtes !

Surtout n’hésitez pas à nous écrire, nous aimerions connaître vos commentaires. Si vous avez aussi de suggestions d’articles, référez-vous à la section Appel de textes dans la colonne de droite de cette page.

Chantal Dumas

Appel de textes .dpi no 11

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No 11_ Profusion des images de la mobilité et le besoin de marquer sa présence* (février 2008).

Rédactrice en chef invitée : Émilie Houssa

Dans ce onzième numéro de .dpi, nous nous pencherons sur la multiplication et l’invasion des images numériques créées par les appareils personnels de télécommunication tel que le téléphone cellulaire, leur diffusion ou la difficulté liée à leur archivage. Les phénomènes de l’album personnel en ligne (flickr), l’émergence de phénomènes négatifs (pornographie, happy slapping) issus de l’accessibilité facile aux réseaux, témoignent du désir de marquer sa présence en ligne et interrogent de nombreux points de notre personnalité et de notre société tant par la création de ces images que par leur réception.

Face à cette masse d’images, quelles sont les traces que nous laissons?

Quelles sont celles que nous captons dans ce flux discontinu dont l’accessibilité fait que ces images hantent chaque mètre carré de notre quotidien?

Le rôle et l’image de la femme à travers ces phénomènes pourront aussi servir de pistes de réflexion.

Nous recherchons des textes qui développent le thème mentionné ci-dessus .

La longueur variera entre 2000-2500 mots. Un résumé de 50 mots pour ce numéro. Veuillez aussi soumettre un paragraphe biographique de 100 mots.

Svp nous signifier votre intention de texte au plus tard le 22 janvier 2008.

Date de tombée des textes : 8 février 2008
Publication prévue en février 2008

Textes à envoyer à: emiliehoussa [a] gmail.com et chantal [a] studioxx.org.

Protocole de rédaction : http://dpi.studioxx.org/?q=protocole

#2 Chronique féministe: intimité(s), identités et surveillance

.Dpi propose d’explorer les frontières réelles et imaginaires, qui modulent les rapports sociaux, et la transgression de ces frontières (lignes de conduite, marqueurs de la marge, indicateurs binaires, passages, souterrains, bornes, cadres, lisières) par des femmes.

Pistes de réflexions et idées à développer:

  • la politisation des sexualités;
  • les sphères d’investissement des femmes et les attentes sociales envers elles (public/privé, finances, travail, maternité, loisirs, etc.);
  • l’identité rebelle de certaines femmes ou groupes de femmes face à leur stigmatisation;
  • l’emprisonnement des femmes, par exemple, les liens entre l’intimité des femmes, leur identité de «criminelle» et le contrôle social exercé à leur endroit, allant jusqu’à l’incarcération;
  • l’itinérance des femmes au sens large: les multiples configurations du «chez soi», la précarité des conditions de vie des femmes et leurs stratégies d’empowerment face au système;
  • le décloisonnement des sensations par l’art, son apport à la mobilité du «soi»;
  • la récupération esthétique de la marge par la mode/la normalisation des images corporelles et des corps;
  • les expériences cosmopolites;
  • les travailleuses du sexe migrantes et le discours sur le trafic des femmes ou femmes et migrations de manière générale;
  • la fluidité marchande et la restriction des déplacements humains;
  • l’appropriation de lieux inusités par les femmes;
  • l’intimité virtuelle: webcam, clavardoirs, blogues & pornographie;
  • Identités multiples & engagement, singulier ou pluriel, etc.
  • Écrivez-nous si vous avez l’intention de soumettre: idées, commentaires, essais, expériences, rapports, dessins, etc.

    Svp nous signifier votre intention de texte au plus tard le 22 janvier 2008.

    Date de tombée des textes : 8 février 2008.
    Publication prévue en février 2008.
    Mélina Bernier, responsable de la chronique féministe: melinabernier [a] hotmail.com.

    Les articles (1000 mots) seront dactylographiés et aérés, accompagnés d’un résumé ainsi qu'une courte biographie (100 mots). Nous vous invitons à soumettre des illustrations et des photos pour compléter le texte. Ce dernier est sujet à des modifications (style, longueur, clarté) par le Comité de .dpi. Un cachet d’auteure est prévu.

    Protocole de rédaction : http://dpi.studioxx.org/?q=protocole

    Née d'un désir de créer un espace interdisciplinaire créatif, critique et engagé socialement, la revue .dpi est un véritable lieu d'échanges traitant des femmes et des technologies. Évoluant dans la voix du logiciel libre, .dpi utilise les blogues pour construire une plate-forme alternative, un forum qui nourrit une réflexion féministe sur le Net. Ouverte aux voix insolites, .dpi cherche à :

    • questionner et redéfinir le cyberféminisme;
    • discuter des réalité vécues par les femmes dans les paysages technologiques contemporains;
    • faire découvrir les femmes oeuvrant dans le domaine des nouveaux médias.

What Surveillance? :: Sophie Le-Phat Ho

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About a year ago, SPACE studios <http://www.spacestudios.org.uk> dedicated one of its exhibitions, entitled Tagged, to a variety of works which made use of RFID (radio frequency identification) technology. A few months before at a related conference, sci-fi writer and technology consultant Bruce Sterling called for the use of the term “arphids” in order to distinguish a grassroots, open-source, artistic community of practice from the industry of “RFIDs” spearheaded by Wal-Mart and the United States’ Department of Defence (DoD). At the moment, a variety of artists are exploring the possibilities of radio frequency identification – to name a few in Europe or North America: Paula Roush’s Arphield Recordings <http://odeo.com/channel/85358>, Meghan Trainor <http://meghantrainor.com>’s various projects, Nancy Nisbet’s Exchange Project <http://www.exchangeproject.ca>, the people behind Urban Eyes <http://project-urbaneyes.blogspot.com>, as well as the other artists featured at Tagged <http://www.spacemedia.org.uk/node/40>, and so on. Moreover, several artists also have their own subcutaneous RFID chip. To what extent this is responding to Sterling and others’ call to more bottom-up application and research on radio frequency identification or simple hype where RFID is the new cool thing in new media is naturally hard to tell. Of course, RFID tags have been around before the beginning of the 21C. For instance, towards the end of the 1990s, cybernetics scientist Kevin Warwick and bio-artist Eduardo Kac experimented with human implantable RFID chips. However, given the current players involved, the role of artists and transhumanists might be quite negligible…


Arphield Recordings (2007), Paula Roush

In the United States, human-implantable RFID microchips have been approved by the FDA (Food and Drug Administration) in 2004 for medical applications, such as the identification of high-risk medical patients and their medical records in an emergency and clinical situation. Before this period, RFID chips have been used to identify animals (livestock, laboratory animals, pets) for decades. Non-implant RFID tags are also found in a number of consumer products, library books, passports, security access cards, keys, transport payment cards and inmate tracking devices. Today, human microchip implants have a very wide range of uses on top of medical ones (and scientific and artistic experimentation), such as identifying VIP customers and paying for drinks in nightclubs! Within the paradigm it is operating at present, RFID technology seems to have endless potential in terms of development and application, that is to say, great market potential. Far from contributing to a certain technophobia or Big Brother paranoia that discourses emerging out of RFID can perpetuate, I would like to suggest here a reading of RFID related phenomena as a litmus test of current fears and hopes, as well as contemporary entanglements of scientific research, government, and industry. Thus the focus will be on projected uses of RFID chips, that is, how tags are being spoken in terms of an imagined future filled with today’s concerns as well as hope.

On May 16th 2006, the CEO of Applied Digital and chairman of VeriChip Corporation, Scott Silverman, suggested on a Fox News television show, Fox & Friends First, the implantation of RFID chips into the arms of guest workers and immigrants in the US when he was invited to answer the anchors’ question: “[C]ould implanting a microchip into guest workers coming into the US solve our illegal immigration problem?” The question is of course situated in the context of the Bush administration’s call to know “who is in our country and why they are here” in the midst of immigration policy reform in the US. Silverman also added: “We have talked to many people in Washington about using it as an application for a guest worker program. But we cannot say today that they have actually bought it for immigration purposes.”

VeriChip is the manufacturer behind the first human implantable RFID chip cleared by the FDA. On their website, we can read that VeriChip was formed in December 2001 following the events of September 11, 2001 when they observed that New York firemen wrote their badge ID numbers on their chests in case they were found injured or unconscious. The webpage also includes a paragraph on Hurricane Katrina where they demonstrate the benefits of human-implantable RFID microchips from their ability to identify victims quickly and accurately by virtue of the “always there” [sic] quality of the device. Thus the RFID microchip is used as an automatic identification method where data can be stored and retrieved remotely using radio waves.



photos: la compagnie VeriChip

The human-implantable VeriChip is 11 mm long and 1 mm in diameter (similar to a grain of rice) composed of a coil of wire and a hermetically sealed microchip within a glass capsule covered with a tissue-bonding plastic. The coil serves as an antenna that powers the passive chip via radio waves, which can then signal a unique electronic 16-digit number that can be picked by a proprietary VeriChip RFID reader in order to link the number to a web-based medical record database in the case of the VeriMed application for example (for patient identification). The chip is inserted just under the skin in the tricep via an outpatient procedure that is said to be quick and painless (“similar to a shot”). Each VeriChip owner is given a unique subscriber number at the physician’s office after having filled out a Patient Registration Form that then enables him or her to log onto the VeriMed Patient Registry (using a VeriMed ID and password) where he or she can maintain a profile. The manufacturers are also careful in mentioning that the database is secure and that the microchip is not a tracking device imbued with GPS (Global Positioning System) capacities and that the passive microchip needs a scanner to be activated with a low power and low frequency electromagnetic field (the scanner must be inches away from the chip to be able to read it).

VeriChip of course is not the only RFID company out there, although it is arguably the most powerful proponent of the human-implantable microchip. RFID technology is much more widely used in RFID tags in supply-chain and consumer products, where the chip stores information about a product or an item in the form of a uniquely numbered code – similarly to a barcode, except that RFID tags are read via radio waves rather than lasers, and allow the identification of each individual item, not only types of products. Several sources available on the web suggest that the origins of RFID technology can be traced back to radar technology being developed in the 1920s, during WWII.

The United States Department of Defence (DoD) has been recognised to massively fund research on RFID at the MIT Auto-ID Center (now the MIT Auto-ID Labs) in the 1990s, although much developmental and implementation work also happened in the 1970s and 1980s mainly within academia around transportation, personal access and animal tracking. In the 1960s, private companies developed the commercial application of RFID tags for anti-theft electronic article surveillance. The 1970s saw the beginning of RFID tags for tracking cattle; more recently in 2004, the US Department of Agriculture (USDA) initiated a pilot program to use RFID in case of disease outbreaks. In the 1970s as well, RFID was being used for highway toll payments, a principle similar to more recent public transportation payment methods (e.g., Transport of London Oyster card). Today, alongside the US DoD, Wal-Mart is the strongest driver behind RFID tag R&D and commercial application.

In terms of tracking specific individuals, VeriChip, for example, already offers “solutions” for patients (Patient Identification), infants (Infant Protection) and the elderly (Wander Prevention). The corporation has also been reported to having been lobbying the Pentagon for the right to implant chips in US soldiers and military personnel. The same article mentions that a former secretary of the Department of Health and Human Services, Tommy Thomson, is a partner at the lobbying law firm of Akin Gump and is a director of VeriChip. Furthermore, the popular anti-RFID book Spychips reports that Precisions Dynamics Corporation supplied wristbands to wounded soldiers during a field trial in Iraq to track them from the battlefield through a navy hospital using handheld RFID readers equipped with a GPS module. The authors also mention that the company’s website indicates the same wristbands having been used to track enemy prisoners and refugees. Other examples of human-related RFID uses have been reported in a pamphlet, for instance, as part of the Defy-ID campaign in the UK, warning readers that the US Department of Homeland Security is testing Visitor and Immigrant Status Indicator Technology (US-VISIT); that a RFID tagging system is being installed in the Ohio State’s prison system to track some 44,000 inmates; and that some schools are trying RFID badges on students. In short, on top of its wide use in the retail world, RFID technology has numerous actual or projected applications on very diverse bodies.

The online literature on RFID, whether corporate, governmental, academic, private (e.g., blogs) or public (e.g., forums, newspapers), is practically endless. Indeed, the concern that comes up most often is that which is related to the number of potential uses of RFID tags. As the list gets longer and the versatility of the technology cannot help but expand, ‘abuse’ is the main fear. The most prevalent form of fear seems to clearly pertain to questions of privacy – including the security of the device itself – often expressed in technologist terms. The privacy concerns can be divided into two sets: one expressed by ‘consumers’ (e.g., the authors of Spychips) and another by ‘technologists’. The consumer contestation of RFID tags is mostly expressed as an invasion of one’s private life, as exemplified by the fear of microchips small enough to be attached to the fabric of clothes, thus able to track consumers from the store to their (private) house. Similarly, access cards allow entry to certain places but simultaneously indicate the location (and times of entry/exit) of the enterer (usually a worker). Ironically, similar oppositions to those of consumers can stem from ‘anarchist’ groups (e.g., Defending Anonymity) as part of a critique of a surveillance society (controlled by the state) akin to Big Brother. Indeed, an additional aspect to the critique, which is also shared by technologists, is that RFID technology is being imposed from the powerful above (i.e., large corporations and the government). Another category of opponents can be characterised through an apprehension for human rights and dignity (e.g., the No VeriChip Inside movement < http://noverichipinside.com >).

RFID pour les VIP dans les boîtes de nuit..!

Premiers essais de la puce Verichip en Europe : ci-dessus : cliente de discothèque en train de se faire scanner son implant au Baja Beach Club de Barcelone. http://www.erenouvelle.com/editpuce.php

Privacy concerns additionally pertain to worries about the vast amount of information that is being collected, its purpose, and who exactly can have access to it – fears related to ‘data-mining’. Furthermore, as several critics point out, the biggest flaw of RFID tags at present is their ability to be cloned; plenty of websites contain information on how to hack RFID technology. As the VeriChip website demonstrates, the ‘privacy war’ is the privileged one at the moment, with online information clearly geared towards reassuring actual and potential users/customers of the security of the device. On the other hand, there is a parallel war going on, characterized by concerns about human dignity. In the case of VeriChip, it could be argued that claims to ‘humanitarian’ motives related to 9/11 and Hurricane Katrina, for example, are part of that game.

Of interest here of course is how sceptics of the RFID proposal frame the problem of implantable microchips, alongside how proponents frame the problem to which RFID technology is a solution. Of interest are the claims and resources being mobilised to justify apprehensions or imagined futures, that is, how responses articulate current views of the body and the power dynamics from which they emerge. This would be better summarised by introducing the concept of biocitizenship, which among other aspects proposes a body that emerges in relation to “hybrid practices of consumption and citizenship.” As Foucauldian author Nikolas Rose argues, we have come to understand ourselves as ‘somatic individuals’ where “corporeality has become one of the most important sites for ethical judgements and techniques” and where “a universal human right to the protection, at least, of each human person’s bare life and the dignity of their living vital body” is now taken for granted, that is, it has become a locus for legitimate claims. Biological citizenship also implies that the responsibility of our bodies is in the hands of each of us, and no longer in those of a central authority such as the state. From this perspective, the human dignity response reproduces the possibility of identification by highlighting the tension between implanting a ‘foreign’ object into a body in order to mark its identity. This promise is eroded by the ‘real’ technical potential for identity theft as indicated by the privacy response, but this erosion does not completely challenge the idea of identification since the obstacle here remains arguably a technical one (to which one could find a technical solution).

The human-implantable VeriChip is promoted as a “solution” both on the website and as implied in the Fox Friends interview. Similarly, ‘bottom-up’ defenders of RFID tags Bruce Sterling claims that RFID has the potential to solve the current ecological crisis via the introduction of SPIMES, objects which can be traced in space and time. According to him, the current ecological crisis is a result of a ‘design problem’ and indeed, he exposes his theory in a book entitled Shaping Things. Basically, the idea that all objects in the world could be interconnected and their histories, available via databases, takes up the idea of the ‘Internet of things’ as a possible (sustainable) future.

The aspect I would like to highlight here is the formulation of a problem to be solved, which is again linked to a kind of risk management and to the making of a body that is ran through by relations of (bio)power. The logic of RFID tags could be seen as the following. Time and time again the promise of identification is fuelled with another promise, that of convenience. RFID tags are promoted as objects that ‘understand’ how the world works (i.e., in networks) and can save us valuable time by reducing objects to databases. Of course, this promise is illusory and can exist only as a product of a work of purification (between “technology” and the “world”). As Medosch points out in his essay for the Tagged exhibition, what is actually convenient is that the IT industry usually sells solutions to problems it has created itself.

While a focus on RFID can catalyse a better understanding of current power dynamics, an examination of the potential of the technology itself, that is, as ‘mere technology’ can obliterate what really is at stake: the making of kinds modulated by ideas (concerns, desires, etc.) of which technology is only one expression. In other words, developments and assemblages surrounding RFID chips point to the cooptation of surveillance into management. After all, is not convenience the best argument to have one’s identity under the skin? If RFID technology and, more generally, the ‘Internet of things’ belong more pervasively to a paradigm of management, then the ‘other’ also runs the risk of being framed as another “problem” to be “solved.” That is to say, whether certain bodies will be implanted with microchips or not in the future, the mobility of certain bodies is viewed as a problem today. And in a world where biology, life, risk and citizenship are increasingly interwoven, “surveillance” does not have to be imposed from above, for we each participate in the making of its potential.

Semamap, Searching for the Spectrum of Texts :: Alejandra Maria Perez Nunez

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Semamap
Semamap, Alejandra Maria Perez Nunez

I see structures everywhere, patterns that tie things together, that make things to be similar, related, closer. By chance? By probabilities? It is perhaps not very consistent to have an speculative or poetic take on computer software but when you think that words project a ghost onto multidimensional spaces of relations then you are soon again into poetry.

Semamap was developed at first as activist research on semantic indexing for a collection of texts related to social transformation. It was named activist research since most of the linguistic and semantic investigations are being made at universities or other institutional laboratories where the results are to be made commercial or private afterwards. Since there is a growing tendency to free knowledge from the main centers of knowledge production i.g. universities, private laboratories, main editorial centers, from which a clear example is the wikipedia project initiated in 2001; there is also the growing need to organize this information. There are many collections of texts made available online to be used by independent groups, either to support their teaching/learning practices and to root their work to larger amounts of experiences. There are different approaches to the indexing of texts but all of them imply to read the texts and find out the relations inside them and between them. For a group of independent researchers this might be cumbersome and expensive. It might mean to count on resources that for these groups would be just non existent, like large amount of assistants that would read the texts and qualify them and also big computers to perform the analysis or expensive wordsets to simplify the indexing. Semamap was thought as a first step to index these text collections. It was not meant to replace human reading and human ability to create relations. It was made as a first working ground to evaluate the relations inside text collections. It was developed between november 2006 and february 2007 by a mixed group of researchers and programmers, based in Barcelona, Ljubljana and Zurich. The work was coordinated from Barcelona but most of the scripts were worked virtually through exchanges via e-mail and irc meetings. It was an informal network of friends driven by a common interest of finding free software tools to perform semantic indexing.

Semamap is focused on the linguistic structures underlaying large text collections. It has been applied to the results of social gatherings such as ESF Paris 2003, its seminars and Ateliers and to the collection of texts of e-library, another project of the memory group of the European Social Forum. It is also a research on the possibilities to do semantic analysis using free software packages and thus being independent from academia or other institutionalized research laboratories. What was released in version 0.1 are some visualizations of a latent semantic analysis performed over texts collections (1). It consists of different non commercial and open source software packages used in a programmatic way in order to render a visualization of semantic structures contained in text data sets. It is a repackaging of software tools to render images out of matrix decomposition (Latent Semantic Analysis statistical technique) of moderately large collection of texts.

Semamap is designed to be used by other activist researchers interested in semi automated indexing of text collections and visualization of text databases. It is also to be used by any user interested to browse text collections. It is to be used by the community interested in free libre open collections of texts. A set of open tools have been applied to unstructured and structured collections of text (without and with a database).

We have used a non supervised statistical technique called Latent Semantic Analysis. This technique is based on SVD (Singular Value Decomposition) to analyze the statistical relationships among words in a collection of text. This technique gives a matrix of words per document with coefficients that indicate the relation between the words an its contexts in a given set of documents. Out of this analysis we are able to obtain a list of words that are mentioned with higher frequency as well as the paragraphs that are highly related to them. What we obtain from the analyzed documents are networks of relations between words per document that we use as our main interface to browse the text collections.

Analysis and Visualizations

Such analysis needed some coherent visualization, one that would take into consideration the complexity being performed by the computer program. What the rendered matrix was showing was the proximity between texts and between words. We had to look for one algorithm that would consider these forces that we interpret as proximity or relatedness. The algorithm chosen is the forced directed graph (Fruchterman-Reingold Algorithm). The idea of a force directed layout algorithm is to consider a force between any two nodes and display the most optimal layout. Semamap was developed through an extensive search for software packages and libraries that can help in the development of visualizations based on a semantic analysis. Identifying available software packages , we have compiled them and assembled them for indexing and browsing textual data.

Semamap for dpi magazine.

A research road map is under development to release a more stable version of this map tool. For dpi magazine we have worked developing a visualization for dpi number 9 where an alternative SVG image has been created rendering it through a PHP script (2). The same process of calculating a matrix was performed over the texts of edition number 9 and a cloud of the most relevant words showing its networks of relations was displayed. With this layout we tried to develop an alternative interface to browse these texts. An interface that would be both expressive and coherent, that would be pleasing to the eye and would reflect an analytical view on the content displayed.

Conclusion

What is behind perhaps any semantic analysis is the will to find meaning to signs. Meaning is something that escapes very quickly, that runs away fromcomputer statistics and shall not be tried to be defined from word frequencies and keyword definitions. The possibility that a matrix decomposition gives in this case is to work not only with the frequency of repetition of words but also with the spectral dimension that a word has. In other words with the probability or relatedness that a word has in relation to all the words encountered in a text. We shall not try to narrow down meaning to the repetition of words. What a network of relations give us is the beginning of a tissue where to ground meaning. Even if the meaning of language is related to its iterative capacity, this capacity should not be understood as mere repetition, iteration may be defined from an absence where the sign arises as a spectrum (3) or as a ghost from other signs that might be found in close company to them. For some, the strength of a sign comes from this absence, from the potentiality that is drawn from a network of relations where a word is not found.

We feel that in the use of a multidimensional semantic space such as the one formulated by matrix decomposition technique of latent semantic analysis we may find a conceptually strong working ground where to place vectors of meaning.

If we can imagine a multidimensional semantic space we will observe the direction that some words may define, the traces that they draw in the development of an argument. A next step will be to evaluate this machine discovery, since the computer on its own its unable to render this qualification. We see this technique as a method to develop a visual browser to develop strong folksonomies.(4) where people will evaluate the strength of the relations found by the machine. Semamap for dpi is a prototype of this research intentions.


Notes

(1) Semamap was first developed in collaboration with Luka Frelih, Yves Degoyon and Fabian Vogueli, including non-commercial software by Stan James and others. It was first developed with the support of the memory group of the European Social Forum and as a production of Redactiva.org.

(2) In collaboration with Jean Sebastien Senecal and the support of StudioXX

(3) Some inspiration for these ideas come out from conversations maintained with philosopher Sophie Gosselin.

(4) Folksonomy (also known as collaborative tagging , social classification, social indexing, social tagging, and other names) is the practice and method of collaboratively creating and managing tags to annotate and categorize content. In contrast to traditional subject indexing, metadata is not only generated by experts but also by creators and consumers of the content. Usually, freely chosen keywords are used instead of a controlled vocabulary. (retreived from wikipedia)

Bibliography

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Wild, Fridolin (2005)The LSA Package
http://cran.r-project.org/doc/packages/lsa.pdf

Youssefi, Amir, Duke, David and Zaki, Mohammed J. Visual Web Mining, 2004.

Biography

Elpueblodechina a.k.a. Alejandra Maria Perez Nunez is a sound performer working with open source tools, circuit building and critical writing. She has taken part in collaborative projects dealing with psychogeography and social science fiction in Barcelona (http://www.redactiva.org and http://mapomatix.sourceforge.net), with collective writing and connected performance in Brussels (http://okno.be and http://www.constantvzw.com) and with music and performance with France based Spectral Investigations Collective. She is traveling, performing and giving workshops sometimes on her own, sometimes in partnership with artists, developers and art centers such as ydegoyon.free.fr, Zosen, nanofamas, Jo frgmnt Grys, picklefeet in Berlin, hangar.org in Barcelona, IMA in Vienna and studioxx in Montreal. She is a sound partner of d.R.e.g.S., bureau d’etudes, SIC and the Moscou Laptop Orchestra.

Pueblo, was born as a noiser in Chile and through her serpentine trajectory she is experimenting with sound, electronics, gesture, text, trying ways to make her practice conscious of society and history. http://www.redactiva.org/WEBVISUALS/semanalysis.htm#Synopsis

Festival HTMlles8, au-delà des ambages :: Paule Mackrous

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C’est sous le thème « Contrôle des masses » que le Studio XX lançait la huitième édition du Festival HTMlles. Ateliers, conférences, performances et expositions y abordaient tous, de manière inédite, la question de la délimitation des espaces physiques, sociaux et psychiques à la lumière des technologies récentes et des réseaux de communication. La mobilité y était alors une notion centrale, la résistance se trouvant inévitablement dans le mouvement continu des masses qui ne sauraient adhérer entièrement à des frontières imposées.

Archives dynamiques

Dans la perspective de la mobilité, la question des archives est une préoccupation bien réelle. Il y a, au cœur de plusieurs projets, le désir de produire une empreinte qui serait dépourvue de la fixité qui en est habituellement une de ses principales qualités. Cela résulte non seulement de l’idée que les œuvres d’art issues des pratiques émergentes sont souvent éphémères, mais aussi du fait qu’il n’y a plus un support unique pour engendrer et conserver les traces.

Reflétant la multiplicité des supports, la XXXboîte, « (…) un artéfact produit pour célébrer les premiers dix ans du Studio XX (1)» a été lancée lors du festival. On y retrouve une publication avec les textes de Kim Sawchuk, Marie-Christiane Mathieu, Anna Friz, J.R. Carpenter et Michelle Kasprzak. On y découvrira aussi un DVD, sorte d’archives sélectives des projets, présentations et événements ayant marqué les dix premières années du centre d’artistes. À cela s’ajoute une œuvre, en édition limitée, de l’artiste Beewoo. Cette petite exposition en boîte a été consolidée par la commissaire invitée Jake Moore.

Dans le dessein de suivre de près les moments du festival, Mobicases, un projet du groupe berlinois Public Art Lab, a été conçu expressément pour l’événement. Question de logistique, le groupe artistique n’a pu faire ses traditionnels Mobile Studios – « a mobile, autonomous production laboratory for young artists, musicians, performers and cultural programmers » (2) – qui ont migré d’une grande ville d’Europe à une autre. Cette fois, c’est un site Internet qui tient lieu des rencontres dynamiques entre le public, les artistes et les œuvres. Avec ses Wiki et Open Diary, le projet devient un véritable espace de partage, une documentation dynamique qui s’alimente des images, sons, textes, vidéos et commentaires de chacun. C’est l’œuvre comme plate-forme communicationnelle, un interstice incontournable du festival parce qu’il le tient en vie au-delà de ses occurrences.


Public Art Lab, photo : Public Art Lab
http://htmlles8.publicartlab.org/wiki2007/

Alors que Public Art Lab accumule les expériences personnelles, le projet Retrospective de Public Domain of Contemporary Art ouvre le pas à l’idée de la transformation de la trace. La double fonction de l’archive, comme maintien d’une mémoire et lieu de conservation, s’effrite. Les archives prennent forme dans un site Web, non-lieu par excellence, où la conservation des œuvres de l’artiste Tagny Duff s’altère par les utilisateurs qui, d’une part, alimentent une banque de données d’images pour la création des œuvres de l’artiste et, d’autre part, modifie le matériel archivé. Les mémoires sont donc en mutation constante, signant à la fois la disparition de la fixité de l’archive et celle de l’auteur unique.

Nomadisme virtuel

Les outils technologiques greffés à l’univers du World Wide Web permettent de plus en plus une « présence virtuelle », une existence au sein du monde virtuel. On s’y déplace paradoxalement en restant immobile physiquement. Certains artistes prennent ainsi possession de ce lieu intangible, mais indéniablement réel puisqu’il opère comme tel, pour franchir ses frontières, ses cadres qui conditionnent la perception.

Parmi ces phénomènes de présence virtuelle, on retrouve celui de la téléprésence. Elle permet à plusieurs artistes de se rencontrer sur le Web et de réaliser une création commune en temps réel en restant dans le confort de leur foyer. Une centaine de personnes se sont regroupées à la Galerie Yergeau, dans son ambiance intimiste, pour assister à la performance en ligne, projetée sur grand écran, d’_Avatar Body Collision_. Les artistes utilisaient upstage (http://upstage.org.nz/blog/), une plate-forme pour performer une histoire de la déroute personnelle, celle du personnage Daria que l’on découvrait au fil de ses rencontres insolites. J’ai, pour ma part, opté pour le visionnement « maison », cette posture me permettant l’utilisation de mon ordinateur personnel. Dans une session de clavardage intégrée à la performance, je pouvais acclamer à coup de « clap! clap! » les scènes extraordinaires (nageuses synchronisées avec valise à la main sur un air de Polka) ou faire monter les enchères lors de la vente du personnage principal.


DNT3, photo : Public Art Lab

Avec le projet ShiftSpace, Mushon Zer-Aviv et Dan Phiffer offraient l’opportunité aux artistes ou même aux internautes intéressés d’ajouter à tout site Web une strate créative. L’outil, présenté en atelier à la galerie OBORO, permet à la fois une manière originale d’interagir avec le Web, en superposant une couche plus personnelle, mais aussi une manière de détourner les schèmes, les constructions sous-jacentes du monde virtuel.

Dans cette perspective du détournement, Darsha Hewitt et Bethany Or ont proposé un atelier créatif et amusant. Les participants étaient invités à bricoler une antenne (cantenna) faite avec un matériau aussi banal qu’une boîte de conserve. Cet atelier était directement lié au projet Tin Can Telecom : une unité de diffusion mobile pour un meilleur positionnement, visant à intercepter les fréquences Internet sans fil et ainsi à esquiver les fournisseurs, frais et vérifications reliés à un abonnement Internet.


Cantenna, photo : Public Art Lab

Funda Senova, du groupe NOMAD, a présenté son travail artistique dans un exposé via le réseau. Son exposition under.ctrl, qui regroupe un ensemble de projets, était d’ailleurs aussi en ligne. L’artiste y souligne une problématique actuelle, celle de l’interface. L’interface agit souvent comme une zone d’apprivoisement, une fenêtre d’accès pour laquelle on oublie les bordures qui structurent notre perception. Une bonne interface est celle qui, par sa transparence sémiotique, va de soi. Pourtant, elle est entièrement construite et est ainsi ingérée par son utilisateur. Les interventions artistiques de Senova lui redonnent un peu d’opacité, permettant de faire place à une réflexion sur les mécanismes de contrôle qui la sous-tendent.

Corps en mouvance

La question du corps est toujours sous-jacente à celle de l’espace et de l’exploration des frontières. Un espace est, par définition, une étendue, mais qui est contenu. Il ne saurait se comprendre dans l’infinitude. Certains artistes ont exploré cette problématique en engendrant un espace trouble, pour lequel les limites sont remises en cause par la relation du corps au monde environnant.

L’installation vidéo S.h.e de Nataša Teofilović brouille la relation champ/hors champ. Les créatures d’animation 3D donnaient l’illusion de poser leurs mains sur le pourtour du cadre écranique et sur sa surface intérieure comme si elles faisaient partie du tangible. À la fois gracieuses et étranges, elles se déplaçaient d’un écran à l’autre (de manière synchronisée) comme si elles traversaient l’espace entre les écrans, l’espace du spectateur. Cet entrelacement des espaces engendrait une sensation vertigineuse chez le spectateur qui était alors confronté à une oscillation de son propre espace corporel.


S.h.e., photo : Public Art Lab

La performance visuo-sonore de Freida Abtan harmonisait une musique électronique en temps réel avec des images vidéographiques. Alors que les sonorités transportaient le spectateur dans un espace-temps suspendu parce qu’immersif, les images présentaient un espace atemporalisé par un effet de flottement des corps. Animés par un mouvement continu, les corps y sont représentés comme en apesanteur au bas de l’écran, alors qu’une figure centrale agitait un voile sur lequel semblait venir s’inscrire toute la profondeur rythmique.

Irene Loughlin, dans sa performance Greiving/Separated form the Ayles Ice Shelf, incarnait un moment de l’effondrement du glacier Ayles. Cette île de glace devenait, en quelque sorte, un tombeau avec lequel l’artiste entrait en symbiose. Impliquant son corps au cœur de cette disparition, c’était avec une mémoire corporelle qu’elle imprégnait son auditoire. Le moment éphémère percutait pour s’inscrire comme une trace mnésique. Elle créait ainsi un espace mythique, parce que ritualisé. Cela lui permettait de réinvestir un évènement passé qui devenait ainsi emblématique des problématiques reliées au réchauffement climatique.

Les délimitations de l’espace urbain font partie de notre expérience quotidienne. Pourtant, l’habitude fait disparaître les nombreuses frontières qui contrôlent l’ensemble de nos déplacements. Kayle Brandon et Heath Bunting, au fil d’une promenade, sorte de déambulation hors champs, montraient les nombreux obstacles (murs, clôtures, poteaux) qui informent nos choix et mouvements au cœur de la ville. Les artistes prenaient possession d’un espace construit, franchissant physiquement chacune des barrières, utilisant leur corps en guise de revendication.


Kayle et heath, photo : Public Art Lab

Dans sa performance Reaction, Rachel Echenberg était immobile au cœur d’un paysage sonore urbain. Le corps fixe, impassible, réagissait. La présence corporelle est facile à saisir, elle se fait rapidement par une relation d’appariement de notre objet-corps à celui du corps de l’autre. Mais c’est plutôt dans la durée que se détecte la présence d’un psychisme, d’une altérité irréductible à soi-même. L’artiste, saignant du nez, déployait lentement autour d’elle un espace vécu, voire sensible, laissant s’évanouir un espace conventionnel, pour ouvrir ainsi vers une plus grande empathie.

Migration du Récit

Le récit, souvent compris comme une narration (écrite ou orale) de faits imaginaires ou réels, découvre d’autres formes de spatialisation par l’utilisation de l’image et du son.

Le travail vidéographique d’Ayesha Hameed, Fire, Fences and Flight, parlait de frontières, d’immigration et de constructions coloniales. À des images en mouvement, souvent architecturales, se superposait une narration. Le récit migrait ainsi d’une image à l’autre, construisant peu à peu le regard du spectateur en soulignant un colonialisme latent dans les constructions urbaines.

N’y a-t-il pas, dans la découverte d’une culture étrangère, dans le voyage, le déploiement d’un rythme particulier? Les mémoires de Myléna Bergeron et Caroline Hayeur, Échos cités: Mapping Territories – A Shanghai Story, articulaient un voyage au cœur de Shanghai comme une cadence de souvenirs dans laquelle se trame un récit en images et en son. Le parcours, s’inscrivant dans un temps plus cyclique que continu et quittant le narratif pour la rythmique, laissait ainsi le spectateur se perdre dans une longue contemplation.

Fluides sonores

Les artistes sonores forgent véritablement un espace qui leur est propre et c’est souvent à cette expérience spatiale qu’on les reconnaît. La manière singulière de structurer le bruit reflète un espace intérieur, un lieu de résonances internes, qui peut s’accorder ou non avec celui du spectateur.

AGF, dans sa performance de musique électronique, mariait à merveille et à plusieurs niveaux le numérique et l’analogique. Sa voix éthérée se fondait à des sonorités électroniques alors que des paroles a priori abstraites (et parfois même celles des scripts HTML) se dotaient d’une profondeur et d’un sens inattendus. La musique rythmée de DJ Cyan nous plongeait, quant à elle, dans un métissage de musiques électroniques. Par cet entremêlement de house, techno et electro-rétro, l’artiste ouvrait un espace de rencontres rythmiques, faisant ainsi tomber des frontières. Dans le type « hybridation sonore », il y avait également Analog Tara, fondatrice du Pink Noises, un Webzine visant à contrer le manque de reconnaissance des musiciennes de l’électronique au sein des institutions et revues. Petite et menue, son énergie se répercutait dans la création de très fines sonorités engendrant un espace sonore ponctué. Alejandra Perez Nunez, bruiteuse à l’origine, performait à l’aide d’instruments qu’elle a développés elle-même. Sa performance théâtrale, avec masque et mise en scène, offrait une expérience stridente tant pour le regard que pour l’oreille. L’espace y était comme densifié et, par le fait même, sensibilisé.


AGF, photo : Public Art Lab

Dans la petite salle La balustrade du Monument National, nichait l’installation sonore d’Andrea-Jane Cornell, Tracing the Sharawadji. On y entrait comme dans un théâtre où l’on était invité à prendre place, non pas devant, mais au milieu de haut-parleurs. Assis sur des petits coussins posés au sol, le spectateur assistait à une performance pour laquelle l’artiste orchestrait, à l’aide de son ordinateur, des sonorités préenregistrées. Les sons, principalement urbains, étaient combinés, voire trafiqués, pour engendrer le sublime, l’effet Sharawadji étant une sensation esthétique de béatitude et de plénitude. Si on y entrait avec une légère crainte de se retrouver au centre du spectacle, lorsqu’on s’y plongeait, l’expérience était vraiment enivrante.

Des sons de sifflets ont fait l’effet d’un coup de théâtre au cœur de la soirée de fermeture du Festival HTMlles. Le groupe culte Women with Kitchen Appliances descendait les escaliers et marchait à travers le public en cadence pour rejoindre la scène ou plutôt la table où se trouvaient les instruments de cuisine. Les trois membres du groupe, interchangeables à chaque événement, entamèrent une sérénade de bruits machinaux, incarnant l’aliénation par le vide de leur regard. Elles sculptaient l’espace sonore par des mouvements répétitifs dans les instruments culinaires. La symphonie ne pouvait que dégénérer miraculeusement lorsque les outils amplifiés d’un micro devenaient la cible de défoulement. À coup de tiges de métal, les WWKA piochaient dans les engins électriques, générant ainsi un feu de Bengal étrangement libérateur.


WWKA, photo : Paule Mackrous

Voilà qui termine un parcours entre le Monument National, la Galerie Yergeau, La Centrale, OBORO, Le Savoy (Métropolis), mais aussi les espaces publics de la ville et même le World Wide Web. Les technologies récentes permettent, non seulement de nouvelles explorations de l’espace, mais elles sont aussi génératrices d’espaces particuliers qui s’intègrent rapidement à nos balises intérieures. En éveillant les espaces vécus, voire intimes, les artistes ont su souligner les structures forcées des espaces construits et, ainsi, nous faire cheminer au-delà des ambages.


Notes

(1) http://www.studioxx.org/newsletter/lancement_xxxboite.html, consulté le 8 novembre 2007.
(2) http://www.mobile-studios.org/, consulté le 10 novembre 2007.

Biographie

Paule Mackrous étudie présentement au Doctorat en sémiologie à l’UQAM pour lequel elle s’intéresse à l’effet de présence dans les arts hypermédiatiques. Alors qu’elle s‘était déjà penchée, au cours de sa maîtrise en étude des arts, sur la notion de “présence” dans les oeuvres d’installation, elle concentre aujourd’hui ses recherches sur les pratiques émergentes et le virtuel (réalité virtuelle, mondes virtuels, arts numériques). Elle a écrit pour plusieurs revues en art actuel. Elle travaille actuellement au sein du NT2, le Laboratoire de recherche sur les arts et littératures hypermédiatiques. (2 nov 07)

Voilée et féministe. By the way, wearing the hijab does not preclude one from being a feminist :: Sophie Le-Phat Ho

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Dans le cadre de la présente « crise » provoquée par le débat sur les « accommodements raisonnables » au Québec, une diversité d’idées et de jugements ont fait surface lors de la Commission Bouchard-Taylor ces derniers mois, dont une grande partie au nom « des droits des femmes. » Par exemple, le Premier Ministre du Québec, Jean Charest, a tout de suite appuyé la proposition du Conseil du Statut de la femme (CSF) d’amender la Charte des droits et libertés afin de donner priorité au droit à l‘égalité entre hommes et femmes sur la liberté de religion, et de bannir le port de signes religieux « ostentatoires » dans les institutions publiques chez les employé(e)s du secteur. Or, bien que cette proposition semble attrayante à, non seulement la manipulation des politiciens, mais plusieurs personnes dites « de gauche » ou « progressistes », la proposition du CSF démontre les risques pernicieux que court le « féminisme bien-pensant » visiblement encore populaire aujourd’hui au sein de certains groupes féministes, surtout ceux dirigés ou composés par des femmes blanches appartenant à la majorité dominante. Ce genre de féminisme ne peut que subsister en ignorant la possibilité que les femmes pratiquant une religion le font, justement, par choix, et ainsi être en mesure d’agir pour « leur bien » en menant un combat à la liberté religieuse. Cette position présuppose l’existence d’une culture monolithique dont l’étape évolutionnaire la plus avancée et celle de « l’Occident », légitimant que les femmes de d’autres cultures doivent être « sauvées » par un féminisme qui s’avère être colonial et dans plusieurs cas, raciste.

L’Institut Simone de Beauvoir à l’Université Concordia est l’un des groupes qui offrent une vision plus critique et postcoloniale du « féminisme bien-pensant », tel que celui valorisé par le CSF, en remettant en question le rôle de la Commission et du CSF pour les droits des femmes au Québec: « Le fait que la Commission, suivie de l’intervention du CSF, ouvrent la voie à des législations qui limiteront les droits des femmes plutôt que les améliorer, nous préoccupe. Nous vous invitons à sonder avec nous la structure d’exclusion de la Commission, les présomptions qu’elle avance et l’impact néfaste qu’elle pourrait avoir sur la vie des femmes.” (Les « accommodements raisonnables » : Une réponse féministe, Institut Simone de Beauvoir). Il est aussi intéressant de noter que la position de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) diffère de celle du CSF, misant surtout sur les conditions socio-économiques des femmes immigrantes plutôt que sur leur « accoutrement. »

MSLM
Photos : MSLM (2007), Mama Showroom for Media and Moving Art (Rotterdam, Pays-Bas)

Il y a maintenant plusieurs mois que la Commission Bouchard-Taylor se promène partout au Québec afin d’entendre les diverses opinions de citoyen-ne-s. Une des observations principales que nous pouvons déjà tirer de cette consultation est le niveau élevé de désinformation et de méconnaissance face à la réalité des immigrant-e-s ne faisant pas partie de la majorité de descendance européenne (dite “de souche”), surtout envers ceux et celles pratiquant l’Islam. En parallèle avec l’Islamophobie créée par les événements du 11 septembre 2001, des citoyen-ne-s ont démontré leur peur et leur ignorance face aux Musulman-e-s qu’ils croient tou-te-s intégristes et rétrogrades. En effet, l’Islamophobie est un phénomène très récent et témoigne du grand rôle que les médias jouent dans la création de la désinformation, aux conséquences néfastes, surtout dans les régions à faible population immigrante (afin de contredire les préjugés). Lors du premier passage de la Commission sur les « accommodements raisonnables » à Montréal, pendant le forum en anglais (29 novembre 2007), une jeune femme voilée a pris la parole et a déclaré être une « féministe musulmane » (« Oui, ça existe ! », a-t-elle poursuivi). Elle s’est fait applaudir après avoir expliqué les raisons féministes pour lesquelles elle a choisi de porter le hijab, c’est-à-dire en tant que critique de la « femme objet », entre autres.

Depuis ses débuts, le Studio XX vise à participer de manière créative au dialogue sur le(s) mouvement(s) féministe(s) en prônant une vision plurielle, dont témoigne son intérêt pour la troisième vague du féminisme. En effet, ce genre de féminisme plus « fluide et hybride », brise souvent avec celui de la génération précédente en tenant compte du combat des femmes de couleur et migrantes, queer, lesbiennes ou autres, et en tenant un rapport plus intime avec une analyse postcoloniale et altermondialiste des conditions de femmes diverses. Dans cette perspective, nous profitons du climat actuel pour inviter nos lectrices et lecteurs à découvrir quelques oeuvres offrant tantôt un regard critique, tantôt ironique, sur la relation entre le voile et le féminisme. De surplus, les « technologies de contrôle des masses » peuvent prendre plusieurs formes. Une analyse féministe inclurait le vêtement (et donc le voile) parmi celles-ci… Enfin, je cite encore la déclaration de l’Institut Simone de Beauvoir : « Le CSF défendrait mieux les intérêts des femmes du Québec s’il mettait l’accent sur les conditions de pauvreté, de violence, de criminalisation et de racisme auxquelles bon nombre font face, et non sur ce qu’elles portent. »

Les exemples d’artistes et de projets sont suivis d’une liste de ressources intéressantes sur la théorie postcoloniale et le féminisme de troisième vague. Une liste de références beaucoup plus étendue se retrouve aussi sur le site Web de l’Institut Simone de Beauvoir.

Merci à Mélina Bernier et Anik Fournier pour leur aide dans l’écriture de cette chronique.


Liens

Institut Simone de Beauvoir
http://artsandscience1.concordia.ca/wsdb

Fédération des femmes du Québec (FFQ)
http://www.ffq.qc.ca/communiques/2007-11-27-lettre-ouverte-accommodement...

Conseil du Statut de la femme
http://www.csf.gouv.qc.ca/fr/accueil

Farheen Haq travaille avec la vidéo, la performance et la photo afin d’explorer les inscriptions culturelles sur le corps, le genre, le rituel et le geste : http://www.farheenhaq.com

MSLM (Printemps-Été 2007, MAMA Showroom, Rotterdam, NL): “A group of young fashion-minded women, mostly second generation Moslim clearly stands out in our society. MSLM shows the fashion of this group.”
http://www.showroommama.nl/projects/MSLM.cfm

Muslim Girl Magazine
http://www.muslimgirlworld.com

Me and the Mosque (2005) de Zarqa Nawaz: “Shows in a very humerous way that one can be devout practicing Muslim while still critical towards gender inequalities present in the diasporic Muslim community.”

http://www.visiontv.ca/Media/Releases/Me_Mosque.html

http://www.nfb.ca/collection/films/fiche/?id=51517

David A. Bailey et Gilane Tawadros, eds. Veil, Veiling, Representation, and Contemporary Art. The MIT Press, Cambridge, Mass., 2003. 187 pp.
http://www.encyclopedia.com/doc/1G1-125406825.html

Sajida Alvi, Homa Hoodfar, et Sheila McDonough, eds. The Muslim Veil in North America: Issues and Debates. Toronto: Women’s Press, 2003. xxiv + 306 pp.

http://www.h-net.org/reviews/showrev.cgi?path=113621082937042
(Homa Hoodfar works at Concordia University)

La Commission et le débat sur les “Accomodements Raisonnables”: Déclaration de Personne N’est Illégal-Montréal : http://nooneisillegal-montreal.blogspot.com/2007/11/accommodements-raisonnables.html

« Sexisme, racisme et postcolonialisme » (2006). Revue Nouvelles questions féministes (NQF), vol 25, no 1.
http://www2.unil.ch/liege/nqf/sommairesNQF/som253.html
(dont un article dans lequel Cecilia Baeza signe un article relatant l’expérience du Collectif contre la loi anti-voile (France) et bien d’autres articles encore!)

Donna Haraway, “A Cyborg Manifesto: Science, Technology, and Socialist-Feminism in the Late Twentieth Century,” in Simians, Cyborgs and Women: The Reinvention of Nature (New York; Routledge, 1991), pp.149-181.

Biographie

Sophie Le-Phat Ho est une jeune chercheuse et organisatrice culturelle. Elle a été coordonatrice à la programmation par intérim au Studio XX en 2005-06 et rédactrice en chef de .dpi en 2006. Elle a aussi été l’agente de projet pour terminus1525.ca au Conseil des arts du Canada. Elle est une des organisatrices d’Upgrade Montréal sur la culture, la politique et la technologie, dans le cadre du réseau Upgrade International. La co-fondatrice d’Artivistic (artivistic.org), elle oeuvre à l’intersection de l’art, la science et l’activisme. Ayant récemment complété une maîtrise en anthropologie médicale au Goldsmiths College (University of London) en Grande-Bretagne, elle occupera le poste de coordonatrice de l’Alliance de recheche DOCAM de la fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie, en 2008.

Kitsou Dubois: danser en apesanteur :: Léna Massiani

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Suite aux travaux qui ont été menés dans le cadre des colloques, « Interfaces et Sensorialité » (Presses de l’Université du Québec, 2003) et « Arts et Biotechnologies » (Presses de l’Université du Québec, 2004), et en s’appuyant sur les expériences effectuées depuis plusieurs années sur la problématique de la déficience humaine par l’équipe du Cyprès à Marseille, l’Université du Québec à Montréal a organisé un colloque, « mobile/immobilise », se tenant du 31 octobre au 5 novembre 2007, apportant une réflexion sur les questions des (in)capacités. Le colloque questionne l’apport des technologies et des biotechnologies sur les conditions de validité, d’autonomie et d’incapacité des êtres humains : « Au croisement de plusieurs projets artistiques actuels, de la recherche bioscientifique et des innovations technologiques, il semble que la déficience constitue probablement l’un des mobiles les plus féconds et troublants. Il agit avec une grande force au sein des pratiques artistiques expérimentales où il génère une diversité créatrice, fantasmatique et symbolique importante ». (Programme du colloque). Au cours de ce colloque, la chorégraphe, pédagogue et chercheuse en danse, Kitsou Dubois est intervenue sur le thème du corps sans poids, de l’incarnation et de l’incorporation. Encore peu connue au Québec, l’artiste française développe un travail atypique autour du geste et de son poids.


Trajectoire fluide, créée en 2002, photo : www.spacearts.info

Formée à la danse contemporaine, à la composition et à l’analyse du mouvement, Kitsou Dubois participe au mouvement de la nouvelle danse. Elle chorégraphie des solos et emmène la danse en dehors des plateaux, sur les façades d’immeubles, sur l’eau, dans des usines. En 1989, elle obtient la “Villa Médicis hors les murs” pour un séjour à la NASA à Houston aux États-Unis. De 1991 à 1994, elle collabore avec le Centre national d’Études Spatiales (CNES) où elle propose un programme d’entraînement des astronautes à partir des techniques de danse. Elle participe depuis à de nombreux vols paraboliques.

À partir de 1993, elle est en résidence à Bagnolet et présente en 1994 Gravité Zéro, pièce chorégraphique sur le rêve de vol. Gravité zéro est une pièce sur les premières émotions inoubliables du vol en apesanteur, Kitsou Dubois cherche à créer un autre espace de représentation pour offrir et faire partager au spectateur sur terre les enjeux du corps sans poids et surtout la trajectoire qui existe entre le corps avec poids et le corps sans poids : trajectoire entre la gravité zéro et la gravité, trajectoire des mouvements à l’intérieur du corps, trajectoire des corps dans leurs déplacements, trajectoire des humains dans des nouveaux environnements.

En 1999, la chorégraphe débute une résidence Arts et Sciences, avec l’agence Arts Catalyst. Kitsou Dubois et Arts Catalyst ont mis en place un processus d’expérimentation des mouvements dansés dans des environnements où la gravité est altérée: dans l’eau, sur trampoline et en apesanteur à bord des vols paraboliques. L’objectif est de travailler sur la perception de l’espace interne du corps, en relation avec l’espace externe. De ce rapport à la matière va surgir un état d’être du corps (corps et mental). Des corps d’hommes et de femmes avec des densités différentes, gardant leur masse mais modifiant leur rapport à la gravité et à la matière. De ces confrontations vont naître un espace poétique, où l’image vidéo est toujours présente, puisqu’elle est notre mémoire, en fonction du lieu et plus précisément des systèmes de projections. A l’émergence de cet espace poétique directement lié à la perception du corps du danseur, l’artiste expérimente des formes de représentation et tente de réduire les barrières de langage qui existent pour la compréhension d’un travail pluridisciplinaire, de trouver une parole sur l’expérience vécue, un écrit, des images: « je fais traverser aux artistes qui travaillent avec moi des expériences perceptives, de pertes de repères qui leur permet d’éprouver d’une façon presque palpable, concrète, le « lâché prise » propre au geste créateur. C’est une mise en situation expérimentale, ou la mobilité des appuis, l’existence de directions dans toutes les dimensions de l’espace, va permettre d’incarner d’un imaginaire lié à l’absence de poids, et relié à la masse. L’ « incorporation » de cet imaginaire va faire émerger une matière et une forme artistique qui sera la matière de la création. En mixant les différentes pratiques artistiques (danse, cirque, image, musique et lumière) nous travaillons sur la lisibilité d’un autre espace temps, ni lourd ni léger.» (Kitsou Dubois).

Kitsou Dubois fait l’expérience de vols paraboliques pour exploiter le comportement du corps placé en apesanteur. A partir de ces expériences, une fois redescendue sur scène, elle développe un travail sur le corps confronté à des situations de gravité altéré. Pour Trajectoire Fluide, créée en 2002, elle choisit par exemple de brouiller les limites du lourd et du léger en sautant sur des trampolines et en travaillant dans l’eau. Le plateau se divise alors en trois parties. La première est celle d’un écran où nous voyons flotter des corps dans et sous l’eau. Devant lui, un trampoline accueille des corps en chute mais en perpétuelle suspension. Un troisième espace se dessine en avant-scène. Les danseurs s’y déplacent en étant de plus en plus attirés par le sol. Malgré tout, le poids n’est jamais complètement abandonné et les corps s’en expulsent en le repoussant. Ils retrouvent alors toute leur verticalité. kitsou Dubois multiplie les expériences et tente de comprendre par quel chemin, par quelle trajectoire le corps passe entre la gravité et la gravité 0 et comment le corps s’organise pour passer d’un corps avec poids à un corps sans poids. Dans l’eau, les corps sont totalement immergés dans la légèreté et la suspension, tandis que le trampoline repousse les danseurs en chute. Nous avons en ce sens l’étrange impression de corps en suspension continue. Sur la terre, au sol, les corps sont attirés de toute leur gravité et pour trouver la position verticale, les danseurs se repoussent de leur propre force. Ces confrontations ouvrent des pistes dans le rapport que l’homme entretient avec son environnement. En s’appropriant les nouveaux espaces créés par la conquête spatiale Kitsou Dubois contribue à l’apparition d’un autre espace artistique. D’une nouvelle relation au mouvement, elle dégage des références comme l’établissement d’une verticale subjective, une circulation des mouvements continue, et l’existence “d’espace entre” …kitsou


Biographie

Après une formation universitaire effectuée à l’université Paris 8, Léna Massiani s’engage actuellement dans sa première année de doctorat en Études et Pratiques des arts de l’UQÀM. Son objet d’étude étant la danse in situ, elle interroge la relation qu’entretien le chorégraphe avec le site et le public et pose la question suivante : comment le chorégraphe organise t-il la connexion, dans et pour son œuvre, entre lui, le site et le public? Réalisant une thèse-création, c’est à partir de son point de vue de chorégraphe et de danseuse que sa recherche s’organise.