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Reproduction atypique :: Sophie Le-Phat Ho

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Il est communément admis que ce qui distingue les femmes des hommes est leur “capacité” à donner naissance. Ceci donne aux femmes un pouvoir énorme, à plusieurs niveaux. Le lien entre la mère et son enfant est un lien physique, alors que celui entre le père et " son " enfant en est un basé sur un accord implicite avec la mère, un lien abstrait, où ordinairement, le père n’est un père que dans la mesure où la mère le reconnaît comme tel (ou à tout le moins, ne déploie aucun effort pour le nier).

Ce niveau d’abstraction est surprenant quand il est difficile de concevoir une autre situation de la vie qui soit plus fondamentale, biologique, que donner la vie elle-même. Soudainement, nous sommes confrontés à une composante de la naissance qui se trouve être artificielle, et en quelque sorte construite. Mais on dit aussi que les technologies peuvent tout faire de nos jour Elles peuvent donner naissance. Elles peuvent donner du plaisir sexuel. Elles peuvent donner l’identité. Entrent en scène les propos de ce cinquième numéro de .dpi, qui aborde les relations entre sexualité, maternité, reproduction et technologie.

La technologie est souvent accusée de (ou adulée pour) mener à une satisfaction instantanée. L’Internet en particulier facilite l’accès rapide à de nombreux services, avec leurs bénéfices et leurs coûts (ceux-ci sont inversés selon que vous êtes idéologiquement de droite ou de gauche). D’un point de vue cyberféministe, la technologie est souvent racontée ou construite en termes d’appropriation, de do-it-yourself (faites-le vous-même), et de dissolution de barrières (de genre, très souvent). Elle constitue une reprise du pouvoir (ou de force, plutôt) élaborée grâce à l’utilisation d’outils technologiques, puisqu’un pouvoir construit de cette manière est une affirmation de force en elle-même.

Dans ce numéro, les hackers de la cyberporno exposent les liens intimes entre le sexe, la technologie et les stéréotypes produits par l’interaction des deux premiers. Ce type de hacking s’approprie une forme d’accessibilité liée à la satisfaction immédiate pour lui substituer une autre accessibilité, totalement subversive celle-là, menant à des dispositifs d’habilitation.

Un point de vue différent nous est offert ici, alors que nous soulignons la collaboration du Studio XX avec l’organisme Femmes autochtones du Québec, lors de la Journée internationale des femmes, avec la présentation de textes (dans Les compléments) liés à la violence envers les femmes (autochtones). Le poème sur la création et la renaissance d’un esprit et le récit d’une jeune Inuite enceinte et doté d’un genre double suggèrent, sous un autre angle, la même importance de cette affirmation de souveraineté.

Dans notre monde numérique de simulacres, être en mesure de reproduire sous-entend encore un certain pouvoir et une expression de celui-ci. Toutefois, l’utilisation d’Internet permet à ce pouvoir d’être partagé, lorsque par exemple, des personnes décident d’utiliser et de bâtir à partir du pouvoir d’un(e) autre. Dans ce contexte, le pouvoir est cumulatif – le pouvoir de l’un(e) n’enlève rien à celui d’un(e) autre. Prenez david still point org (dans Interview). L’identité de David Still est une marque de commerce – l’homme est un archétype, un modèle à être reproduit, mais à chaque fois différemment, tout dépendant de la personne qui s’approprie son identité pour sa propre satisfaction instantanée. Essayez-le, c’est gratuit.

D’étendre l’archétype, de déconstruire le stéréotype, de dissoudre le prototype, de reproduire l’atype.