Science-fiction ou realite?
Science-fiction et réinvention
sarah brown
La science-fiction situe généralement son action dans un monde éloigné dans le temps ou l’espace. Cette transposition vers un univers parallèle, souvent comprise comme une prédiction de ce qu’il se passerait ailleurs ou dans le futur, est en fait un choix qui permet à l’auteur de se donner l’entière liberté dans la construction de nouveaux mondes, de personnages, de sociétés, etc. dans le but de réinventer le monde réel. À l’école on se faisait dire « avec des « si » on refait le monde »… Et si justement c’était ce qu’on essayait de faire avec la science-fiction? À travers l’illusion d’évasion, la science-fiction nous rapproche de questions intimement liées à notre présent, ici. Elle nous permet d’envisager toutes sortes de variantes, de nouvelles solutions, aussi bien sur le plan matériel que philosophique. La distance créée par cet « espace-temps » inventé, permet de laisser libre cours à l’imaginaire et aux possibilités infinies qui s’ouvrent à nous lorsqu’on n’a plus peur d’utiliser le « si ».
En plaçant une bonne partie de leurs récits dans le futur, les auteurs de SF ont parfois été pris pour des prophètes des temps modernes et se sont donnés la lourde tâche de devancer la technologie et de constamment réinventer le futur. Mais à une époque où les progrès technologiques avancent aussi vite, la réalité (entre autres en ce qui à trait aux biotechnologies) a vite fait de dépasser la science-fiction. Ce qui amène la question : Vivons-nous aujourd’hui dans un monde de science-fiction? Si c’est le cas, emparons-nous de tous nos moyens, nos outils, nos mots et nos pixels, et profitons-en pour réinventer nos « espaces-temps ».
Cogito :: Extraits d'une nouvelle d'Elisabeth Vonarburg
Cogito
A Luc P., sans qui, et avec qui.
Il était une fois, sur une planète très loin d’ici, une petite fille appelée Nathany Berkeley. Elle habitait dans une cité appelée Cyblande. (…)
Nathany n’était pas une petite fille comme les autres. À Cyblande, aucune petite fille n’était une petite fille comme les autres. Et les garçons non plus. Je veux dire, pas comme ici. À Cyblande, bien entendu, ils étaient tous normaux les uns pour les autres. Ils avaient un syn qui leur permettait de contrôler leurs cybes, et leurs cybes leur donnaient des modeps particuliers comprenant chacun plusieurs percepts, et les percepts partagés par le plus grand nombre de gens étaient des zeppes. Il y avait des zeppes individuelles, et des zeppes collectives. On apprenait les zeppes collectives, entre autres choses, dans les Blocs; les zeppes individuelles, on les apprenait aussi, mais ce n’était pas vraiment quelque chose qu’on apprenait, si vous voyez ce que je veux dire.
Nathany portait son syn autour du cou, comme tous les habitants de Cyblande: c’était un collier large et épais, formé de segments articulés, et qu’on portait très ajusté. Le véritable nom du syn était «unité de contrôle et de synthèse sensorielle», mais c’était bien trop long à dire. C’était… comme un mélangeur. Ou un rhéostat. Ou les deux à la fois. C’était aussi une sorte de poste radio, à la fois émetteur et récepteur, mais on ne s’en servait pas pour parler. On s’en servait pour contrôler les cybes.
Les cybes sont plus difficiles à décrire. D’abord parce qu’on ne les voyait pas: ils étaient à l’intérieur du corps. Ils remplaçaient les yeux et les oreilles; on les greffait aux enfants de Cyblande très peu de temps après la naissance; de tout petits cybes, à la place des yeux et des oreilles des bébés (on pouvait dire «modules cybernétiques», mais c’était trop long aussi), et on les raccordait directement au cerveau. C’est le cerveau en réalité qui voit et qui entend, n’est-ce pas? (…)
On ne remplaçait pas seulement les yeux et les oreilles, on remplaçait tout les autres sens. Le toucher, c’était assez simple: on avait fabriqué un virus qui allait griller les terminaisons nerveuses de la peau, (et aussi celles qui permettent de goûter et de sentir). Ensuite, on injectait une substance particulière dans la peau – des biocristaux liquides, si vous voulez le savoir. Ils réagissaient à la pression et à la chaleur ou au froid, et le syn envoyait ces renseignements au cerveau, et le cerveau… eh bien, faisait son travail de cerveau, et disait qu’il faisait froid, ou chaud, ou qu’on s’était coupé. Pour le goût ou l’odorat, c’était un peu plus compliqué: on greffait des sortes de filtres qui recueillaient les goûts et les odeurs et les envoyaient au syn, qui les analysait et envoyait ses analyses au cerveau – lequel faisait alors son travail de cerveau.
(…) Nathany apprenait vite et bien – c’est pour cela qu’elle était dans le BlocSpec D alors qu’elle avait seulement six ans. D’autres enfants n’étaient pas aussi précoces. Certains n’arrivaient même jamais à bien se servir de leurs cybes. Il y avait quelque chose dans leur cerveau qui les en rendait incapables. C’étaient des réfractaires. Quelques-uns ne pouvaient même pas supporter les greffes. À un moment donné, en cours de route, ils disparaissaient du Bloc et on ne les revoyait jamais. C’était triste, mais c’était ainsi.
(…)
Les yeux-cybes de Nathany voyaient bien plus de vibrations; ses oreilles-cybes entendaient aussi davantage, au-dessus et en-dessous des sons que nous entendons. Et c’était pareil pour les autres sens. Mais le cerveau humain n’est pas vraiment conçu pour recevoir toutes ces sensations-là; il peut, mais il doit apprendre, et cela demande du temps.
Et ce n’était pas tout. Le syn ne contrôlait pas seulement l’intensité des perceptions: il pouvait aussi les mélanger, vous vous rappelez? À Cyblande, on pouvait goûter des couleurs, entendre des odeurs, toucher des sons… (…)
Le syn était également une sorte d’émetteur-récepteur; ce qu’on pouvait émettre et recevoir avec, c’était des sensations. (…) Chaque personne à une façon particulière de percevoir, des couleurs, des odeurs, des sons préférés, n’est-ce pas? C’était la même chose à Cyblande, même si tous les cybes avaient exactement les mêmes capacités, ce qui n’est pas le cas des yeux ou des oreilles organiques. Et donc, chacun avait sa façon particulière de percevoir, qu’on appelait mode perceptuel, ou modep pour abréger; un modep comprenait des percepts: les perceptions de vos sens préférés dans des combinaisons et avec des dosages qui variaient selon chaque personne – c’était la zeppe de chacun, sa zone perceptuelle particulière, la façon particulière dont il ou elle percevait son environnement.
Jusque-là, ça va. Là où les choses se compliquent, c’est que les gens ont aussi une façon particulière de se voir eux-mêmes. Après tout, le corps, le visage, c’est aussi un environnement, n’est-ce pas? Et gràce au syn, à Cyblande, les gens pouvaient émettre la façon dont ils se voyaient – et recevoir la façon dont les autres se voyaient. Mais on n’a pas forcément envie de se voir exactement comme on est; si vous avez des cheveux bruns et que vous préféreriez avoir des cheveux blonds, par exemple… Ou mesurer dix centimètres de plus… Ou peser dix kilos de moins… Ou avoir des cheveux verts, peser trente kilos de plus et mesurer trois mètres de haut: il n’y avait pas de limites, comprenez-vous, à ce que les gens de Cyblande pouvaient émettre avec leur syn. Ils pouvaient en fait sembler avoir n’importe quel aspect. Une peau bleue à pois jaunes, s’ils en avaient envie!
C’était très amusant. Mais c’était aussi bien déroutant. Si quelqu’un change d’aspect tous les jours, comment fait-on pour le reconnaître? (…)
Il y avait donc des limites, évidemment. Pas des limites au sens de ce qu’on pouvait faire, mais des limites au sens de ce qu’il était permis de faire. Quand on était chez soi, on pouvait faire ce qu’on voulait, on était en zeppe individuelle. Mais quand on était avec les autres, il fallait rester dans les limites des zeppes collectives.
Il fallait apprendre ces zeppes-là, l’ensemble de perceptions qui faisaient l’objet d’un accord général quand il s’agissait de fonctionner en société. Mais s’il y avait un accord général sur un certain nombre de choses, il y avait aussi bien des avis particuliers sur beaucoup d’autres – cela changeait d’une profession à l’autre, par exemple. Ou d’un sexe à l’autre. Bref, cela faisait beaucoup d’apprentissages pour les petits Cyblandais, en plus de ce qu’ils devaient apprendre à l’école comme vous et moi.
(…)
Nathany était une petite fille curieuse. Ce qui est parfaitement normal, et à Cyblande aussi, sauf qu’elle n’était pas forcément curieuse des mêmes choses que nous, bien entendu. Et les éducateurs trouvaient très bien qu’une petite fille soit curieuse, tant qu’elle restait dans leurs limites d’éducateurs – ce qui est parfaitement normal également, comme ici.
(…)
À la fin de la première année de Nathany au BlocSpec D, son père mourut.
Vous vous demandez peut-être, arrivés là, où étaient les parents de Nathany et ce qu’ils faisaient. Et d’abord, Nathany avait-elle des parents au sens où nous l’entendons ici? Pas vraiment. Les fondateurs de Cyblande avaient quitté la Terre pour pouvoir vivre à leur guise, autrement que sur Terre. La plus grande partie de l’autrement, vous vous en doutez déjà, avait quelque chose à voir avec les cybes; mais une autre partie moins importante concernait la façon dont on avait des enfants et dont on les élevait. Chaque enfant avait un père et une mère mais, comme c’est quelquefois le cas chez nous, la mère ne portait généralement pas l’enfant dans son ventre. Et les enfants n’étaient pas élevés par leurs parents mais par les éducateurs des Blocs. Cela ne veut pas dire qu’ils ne connaissaient pas leurs parents: ils pouvaient les voir tous les jours pendant deux heures, et passer un jour entier avec eux tous les dix jours, si les parents le désiraient. À Cyblande, en somme, pour les enfants, les parents étaient seulement… des adultes à peu près comme les autres. Pas vraiment spéciaux, vous comprenez. Il y en avait même qui avaient donné leurs enfants à Cyblande et qui ne leur rendaient jamais visite. Les parents ne manquaient pas aux enfants pourtant: il y avait les éducateurs et les éducatrices, trois de chaque pour chaque groupe de vingt-quatre enfants, les mêmes depuis la petite enfance; et il y avait les autres enfants; tout ce monde passait ensemble d’un Bloc à l’autre, sauf exceptions, et après tout, cela constituait une famille qui n’est pas si différente de ce que nous connaissons, n’est-ce pas?
Alors, ses parents, Nathany ne les connaissait pas tellement. C’étaient des gens très occupés au gouvernement de Cyblande, et ils venaient rarement la voir. Cela ne la dérangeait pas. Elle ne les aimait pas particulièrement. Elle ne les détestait pas non plus, remarquez. Simplement, cela ne lui faisait pas grand-chose de ne pas les voir souvent.
(…) Mais c’est après la mort de son père que les choses changèrent pour Nathany. Si, auparavant, elle avait été curieuse, sa curiosité était malgré tout restée dans des limites raisonnables. Après… Mais voyez-vous, je crois que ce n’était pas tellement à cause de la mort de son père, finalement. C’était à cause de la façon dont il était mort.
Ce n’est pas que Nathany ignorait ce qu’était la mort. Elle se rappelait vaguement ces autres enfants qui avaient été là et puis qui avaient cessé d’être là, aux BlocEds, quand elle était plus petite. Elle avait posé des questions, bien sûr. Et on avait fini par lui dire qu’ils étaient morts, ce qui voulait dire qu’ils avaient disparu, qu’ils ne reviendraient jamais. Mais on n’en avait pas paru si désolé; on lui avait plutôt donné l’impression que c’était normal; elle avait même senti qu’il valait mieux pour ces enfants-là d’être morts. C’étaient des réfractaires, des enfants qui ne supportaient pas les greffes. Nathany avait bien été un peu inquiète, mais on lui avait assuré que cela n’arrivait qu’aux enfants très jeunes, ou alors à ceux qui ne parvenaient pas à se servir de leurs cybes, et elle s’était sentie soulagée. (…)
Ce qu’elle ne savait pas, et que la mort de son père lui apprit soudainement, c’était que devenir adulte ne vous garantissait pas de ne jamais être réfractaire. (…) Même dans un environnement contrôlé, on ne peut pas tout contrôler tout le temps. Et il y avait des accidents, des maladies; et quelqu’un mourait, ou bien quelqu’un de parfaitement normal jusque-là se trouvait soudain incapable de se servir correctement de ses cybes, ou même incapable de s’en servir du tout. C’était ce qui était arrivé au père de Nathany; après une maladie, il était devenu réfractaire à ses cybes. Et finalement, il était mort.
C’était ainsi qu’on avait annoncé la chose à Nathany – en fait, sa mère s’était dérangée en personne pour le lui apprendre (elle s’appelait Erna et se présentait généralement sous l’aspect d’une grande femme blonde et mince). Géroge (c’était le nom du père de Nathany) était tombé malade et ensuite il était devenu réfractaire, et ensuite seulement il était mort. Ce n’était pas la maladie qui l’avait fait mourir, alors. De quoi était-il mort? Est-ce qu’il avait eu un accident parce qu’il n’avait plus de cybes et qu’il était aveugle et sourd et insensible? On l’avait laissé aller dehors alors qu’il n’avait plus de cybes? C’était vraiment méchant! Mais Erna lui dit que non, on ne l’avait pas laissé dehors. Il avait été transféré dans une maison spéciale pour les adultes réfractaires.
Et alors on l’avait laissé tout seul alors qu’il n’avait plus de cybes et il avait eu un accident dans la maison spéciale?
A Cyblande, on prend l'apparence qu'on veut, mais cela n’empêche pas les gens de ne pas savoir contrôler toutes leurs émotions. Curieuse, Nathany était observatrice; observatrice, elle voyait bien qu’Erna semblait de plus en plus embarrassée. Quoi, que s’était-il passé dans la maison spéciale?
Finalement, après une longue hésitation, Erna dit À Nathany que Géroge s’était tué, que c’était bien triste mais qu’on n’y pouvait rien, qu’elle devait être une petite fille bien sage et bien travailler au BlocSpec D, c’était un des meilleurs à Cyblande, elle l’avait choisi elle-même, et elle l’embrassa et elle s’en alla.
Maintenant, Nathany avait plus de questions que jamais, des «pourquoi» et des «comment» et des «et si?»; mais elle ne savait pas trop à qui les poser.
(…)
Elle alla trouver Uri, le garçon qui était devenu son ennemi intime au BlocSpec D. (…)
“Qu’est-ce qui arrive quand on ne peut plus se servir de ses cybes et qu’on est toujours vivant?”
Uri la dévisagea avec une méfiance perplexe, mais, à presque huit ans, il n’était pas homme à laisser passer un défi; il réfléchit un moment: “On disparaît. On ne perçoit personne et personne ne nous perçoit. C’est comme si on était mort. Sauf qu’on est vivant.”
“Mais comment on sait qu’on est vivant, alors?” dit Nathany, oubliant dans sa perplexité que ses questions étaient supposées être des devinettes dont elle détenait évidemment la réponse. Uri eut un grand sourire de triomphe: “On ne le sait pas!”
(…)
Arrivée là, Nathany décida de tenter sa chance avec les éducateurs. “Pourquoi des fois on ne supporte plus les cybes?” demanda-t-elle à Pomelo.
“Pourquoi veux-tu le savoir?” rétorqua Pomelo, comme elle s’était attendue à ce qu’il le fît: c’était un de ces adultes qui ont l’habitude de répondre à une question par une question. Certains le font pour se donner le temps d’inventer une réponse, d’autres pour gagner du temps parce qu’ils ne veulent pas répondre. Mais chez Pomelo, c’était une sorte de jeu: en général, il avait la réponse à la question, il voulait seulement être sûr que vous l’aviez aussi. (…)
Elle lui dit donc que son père était devenu réfractaire et qu’il était mort; Pomelo hocha la tête en signe d’approbation puis se mit en devoir de remplir sa part: “Quelquefois, après une maladie ou un accident,” dit-il, “le corps change à l’intérieur et ne supporte plus les cybes. Il les rejette.”
“Mais pourquoi?”
“Parce que les cybes ne font pas partie du corps.”
Comme prévu, trente-six questions jaillirent dans l’esprit de Nathany. Le syn, elle se rendait bien compte qu’il ne faisait pas partie de son corps, pas vraiment; mais comme elle ne voyait jamais ses cybes, elle pensait qu’elle était née avec, même si on les changeait tous les ans. C’était… comme ses dents de lait, qui étaient tombées et qui avaient été remplacées; sauf que cela recommençait tous les ans.
“Mais comment on est, sans cybes? Pas les réfractaires, mais… avant…”
“Avant les greffes,” compléta Pomelo et elle comprit que c’était bien ce qu’elle avait voulu dire. “Eh bien, on naît avec des yeux organiques, et des oreilles organiques, et on peut aussi sentir et goûter et toucher.”
“Comme avec les cybes?”
“Beaucoup moins bien qu’avec les cybes. Infiniment moins bien. On ne voit ni dans l’infra-rouge ni dans l’ultra-violet, par exemple. Et surtout, comme on n’a pas de syn, on ne peut pas faire de croisements entre les sens.”
Pas de syn du tout. Non seulement pas de croisements, mais pas de projection, pas de réception. Uri avait raison, finalement, alors? On ne percevait personne et personne ne vous percevait… Mais non, puisqu’on avait quand même des yeux et tout…
“Pourquoi on naît avec ça alors que les cybes sont tellement mieux?”
Pomelo sourit: “Parce que la nature est mal faite. Et c’est pour cela que nos ancêtres ont fondé Cyblande, Nathany. Pour faire mieux que la nature.”
Et trente-six autres questions jaillirent dans l’esprit de Nathany découragée. Elle s’était encore fait avoir. Oh, Pomelo ne trichait jamais: il répondait. Mais c’était pire que s’il n’avait pas répondu.
Il l’étonna, pourtant: il se leva, choisit un modulivre dans les présentoirs de son bureau et le lui tendit: “Tu peux le garder. Mais ne dis à personne que tu l’as.”
Et ainsi Nathany acquit cette chose délicieuse et frustrante parce qu’on ne peut la partager avec personne: un secret.
Le modulivre parlait des pères fondateurs de Cyblande. C’était une autre découverte pour Nathany: Cyblande n’avait pas toujours existé. Il y avait eu autre chose avant, autre part. Et les ancêtres avaient été différents: sans cybes, sans syn, sans rien. “Soumis aux perceptions étriquées que leur imposaient leurs pauvres sens naturels”, disait le modulivre (…)
En fait, le modulivre était bien trop compliqué pour Nathany, toute précoce qu’elle était. Ce qu’elle en retira, ce fut une idée confuse des raisons pour lesquelles Cyblande avait été fondée, “contre l’abus de conscience de la réalité”; elle ne connaissait pas ce dernier mot qu’on n’employait jamais à Cyblande, mais en tout cas cette chose perçue par les sens naturels devait être bien abominable pour que le pauvre Géroge soit mort. Se soit fait mourir.
(…) Comment c’était, de vivre sans cybes?
À Cyblande, quand un adulte devient réfractaire, on le «reconvertit», comme on dit – en partie, et s’il le supporte physiquement: on lui regreffe des yeux et des oreilles organiques (on en garde dans les banques d’organes, justement pour ces occasions-là). On ne peut rien faire pour le reste des sens, évidemment: une fois grillées, les terminaisons nerveuses ne repoussent pas. Mais au moins les réfractaires peuvent-ils voir et entendre. On peut vivre sans les cybes. Sauf qu’on ne veut pas forcément. Tous les réfractaires finissent par faire comme le père de Nathany. Et même si Nathany avait appris tout cela, elle n’aurait encore pas vraiment compris pourquoi Géroge avait choisi de mourir. Cela avait quelque chose à voir avec le fait d’être trop différent; et le fait que les autres, les normaux de Cyblande, ne voulaient plus rien avoir à faire avec les réfractaires. Ils trouvaient cela plutôt dégoûtant, voyez-vous, d’être limité à deux sens. En fait, au fond d’eux-mêmes, ils pensaient que les réfractaires n’étaient plus tout à fait humains. Les seuls véritables êtres humains, c’étaient ceux qui avaient des cybes, ceux qui dominaient vraiment la nature, (on ne disait pas souvent ce mot-là; c’était devenu un peu obscène, avec le temps; Pomelo l’avait seulement prononcé devant Nathany parce qu’il savait qu’elle ne comprendrait pas).
Mais comme elle ignorait à quel point elle ne pouvait pas comprendre – elle qui avait tous ses sens-cybes, qui n’avait jamais été vraiment seule et différente même en étant précoce, et qui ne savait même pas que le mot “nature” était sale – elle décida d’essayer. De faire comme si. Comme si elle n’avait pas de cybes, mais des “sens naturels”.
(…) Cette nuit-là, elle alla se cacher dans un coin où personne ne viendrait la déranger dans ses expériences, et elle reconfigura ses cybes.
Je ne suis pas sûre de pouvoir vraiment vous décrire ce que Nathany cessa de percevoir, parce que je ne l’ai jamais perçu, et vous non plus. Et je ne peux pas vraiment vous décrire non plus ce que Nathany se mit à percevoir; si c’était nous, je dirais “le silence, l’ombre de la nuit”, et nous saurions tous de quoi je parle; mais pas elle: ces perceptions-là n’avaient jamais existé auparavant pour elle. J’aurais tendance à dire qu’elle percevait des choses en moins, puisqu’elle ne voyait plus dans l’infra-rouge ou l’ultra-violet, n’entendait plus ni les infra-sons ni les ultra-sons et avait atténué (un peu au hasard) ses sensations tactiles, olfactives et gustatives… Mais je ne suis même pas sûre que «en moins» ait le même sens pour elle que pour nous. Ce n’était pas forcément négatif. C’était… nouveau. Elle n’avait jamais fait cela, percevoir moins, voyez-vous. À Cyblande, quand on était petite et même après, on apprenait toujours à percevoir plus.
C’était nouveau, c’était donc intéressant. Juste pour vérifier, elle reconfigura ses cybes de la façon habituelle, et tout redevint normal. C’était amusant, passer de l’un à l’autre, hop, hop, comme un ballon dégonflé-regonflé.
Arrivée là, elle aurait bien eu tendance à jouer avec son syn pour modifier ses nouvelles perceptions, mais elle se retint: les sens naturels n’étaient PAS modifiables – ou alors avec des drogues dangereuses à long terme, avait dit le modulivre. Il fallait continuer à percevoir sans rien changer – la cour intérieure du BlocSpec, les tilleuls en fleurs si verts dans la lumière électrique. C’était plutôt bizarre, finalement, cette immuabilité. Cela serait assez vite devenu ennuyeux. Nathany comprenait que les pères fondateurs aient eu envie de “faire mieux que la nature”, si c’était seulement ça, la «nature». En tout cas, le résultat net, c’était qu’on pouvait sûrement vivre sans cybes – même si c’était avec ses cybes qu’elle faisait l’expérience. Ce n’était pas si abominable. On n’était pas mort, on ne percevait pas “plus rien”, comme l’avait dit Uri; même si une partie des perceptions avait disparu, il y avait quand même encore des perceptions. Elles n’avaient pas «disparu», d’ailleurs: elles étaient toujours là dans le syn, puisque, quand on le reconfigurait, elles revenaient.
Et qu’est-ce que ça ferait, si on en enlevait encore davantage? Pas seulement diminuer la portée des cybes, mais si on les configurait carrément à zéro?
C’était là une idée vraiment bizarre, et même un peu inquiétante. Mais irrésistible pour une petite fille curieuse comme Nathany. Elle n’annula pas tout en même temps, quand même; seulement ses yeux-cybes, pour commencer. Plus de tilleuls, plus de nuit, ou une autre sorte de noir. Mais il restait l’eau qui coulait en chuintant dans la fontaine, et d’une certaine façon, cela faisait de l’espace; ce n’était plus «la cour», mais il y avait encore de l’espace. Il restait aussi les fleurs des tilleuls, qui embaumaient; et la chemise de nuit de Nathany, sa texture douce et pelucheuse contre ses épaules, sur ses genoux… Il restait surtout, en fait, le corps de Nathany: le goût de sa salive dans la bouche; sa langue contre ses dents, et sa peau contre sa peau la où ses jambes croisées en tailleur se touchaient; et le poids de son corps, même, qui lui disait où étaient le haut et le bas, et qui faisait exister le sol dur et frais sous ses fesses À travers la chemise de nuit. Il restait vraiment encore beaucoup de choses.
En réglant l’odorat-cybe à zéro, et même le goût-cybe, cela ne changeait pas tellement (le grand changement avait été la disparition de ce que Nathany percevait habituellement dans ce registre: l’odeur de l’eau, le goût de la pierre, l’odeur/goût de l’électricité…). Plus de fleurs. Plus de salive. Avec les oreilles-cybes à zéro, plus de fontaine – et plus d’espace du tout, tiens, plus de profondeur, en tout cas. Seulement un dedans et un dehors, parce qu’elle se sentait respirer, et un haut et un bas, parce qu’il restait la pression de son corps sur le sol, de ses bras sur ses genoux, de sa main sur le syn. En fait, le corps de Nathany était extrêmement là, et de proche en proche elle pouvait reconstituer tout le reste: la surface dure sous ses fesses c’était le sol de la cour où il y avait les tilleuls et la fontaine, et la surface dure contre son dos c’était le mur du BlocSpec D, qui était dans Cyblande qui était sur une planète qui était dans l’espace.
Là, en toute logique, n’est-ce pas, Nathany aurait dû annuler son toucher-cybe. Mais elle n’était quand même pas seulement logique, pas seulement curieuse. C’était une petite fille, aussi. Et elle avait de plus en plus l’impression qu’elle était en train de faire quelque chose de vilain-&-défendu. Elle attendit un peu avant de passer au stade suivant. Elle n’était pas sûre de vouloir passer au stade suivant. Elle pensait soudain aux paroles d’Uri: “Comme si on était mort, sauf qu’on est vivant”. Cela n’avait pas eu de sens, quand il l’avait dit, mais voilà que tout d’un coup, cela en aurait presque eu un. Et la question qu’elle avait posée revenait tout d’un coup avec plus de force: comment on le savait, alors, qu’on était vivant? Si on ne voyait rien, n’entendait rien, ne goûtait, ne sentait, ne touchait rien?
Qu’est-ce qui restait, quand on enlevait tout? Est-ce qu’il restait quelque chose? Si elle annulait la sensation du sol sous ses fesses et du mur contre son dos et de sa peau contre sa peau, est-ce que le sol et le mur et la cour et le BlocSpec D et la cité et la planète existeraient encore? Est-ce que son corps existerait?
Qu’est-ce qui restait, quand on avait tout enlevé?
Et finalement, Nathany annula aussi son toucher-cybe. Parce qu’elle était une petite fille, et curieuse; ou parce que c’était logique; ou parce que c’était sûrement vilain-&-défendu; ou à cause de Géroge, d’Erna, Uri ou Pomelo. Ou à cause de tout cela en même temps, est-ce que je sais? En tout cas, elle reconfigura à zéro son dernier cybe.
Et alors, qu’est-ce qui se passe? Vous voudriez bien le savoir, n’est-ce pas? Moi aussi. Mais c’est là un voyage que vous n’avez jamais fait, et moi non plus. Nathany seule peut aller au bout de ses cybes. Peut-elle en revenir? Il serait raisonnable de dire qu’un adulte a fini par passer par là, l’a retrouvée, l’a rebranchée. Raisonnable, mais ennuyeux. Et ce n’est pas vraiment ce que nous désirons savoir, n’est-ce pas? Nous voulons savoir ce qui s’est passé entre temps.
Que peut-il bien se passer? L’esprit de Nathany, où son corps n’existe plus, où peut-il bien être allé? Il paraît que nous, quand nous perdons nos ancres de chair, nous devenons comme fous, au bout d’un moment. Mais Nathany n’en a jamais eu, d’ancres. Quand elle ouvrait les yeux, le matin, si elle voulait que le papier de sa chambre soit vert et jaune plutôt que bleu, sa chambre était verte et jaune. Si elle voulait que ses broccoli goûtent le gàteau au chocolat, c’était du gàteau au chocolat qu’elle mangeait. Elle n’imagine pas vraiment, Nathany, qu’il puisse exister un monde où les choses ne sont que ce qu’elles sont, et le restent quoi que nous désirions…
Qu’arrive-t-il, alors, à Nathany? Pouvez-vous me le dire? Est-ce qu’elle est toujours là dans la cour? Est-ce qu’il y a encore une cour, d’abord? Est-ce qu’il y a jamais eu une cour? Bien sûr qu’il y avait une cour, me dites-vous: c’était la cour du BlocSpec D, qui était à Cyblande qui était sur une planète loin d’ici, et Nathany la percevait très bien quand ses sens-cybes étaient branchés, cette cour. Mais elle voyait aussi les infra-sons quand elle était dans son modep favori, Nathany. Elle entendait le parfum des tilleuls. Elle a peut-être seulement décidé de percevoir une cour avec des tilleuls, Nathany – décidé de percevoir un BlocSpec, et des gens dedans, et une ville autour, et une planète. Elle peut, avec ses cybes et son syn, n’est-ce pas?
Il y a cela, alors, me dites-vous: il y a Nathany, qui a un syn et des cybes, et tout le reste vient avec de proche en proche, le Bloc, Cyblande, la planète. D’ailleurs, nous sommes là à écouter l’histoire. Nous sommes-là, nous. Nous existons. Et donc, de proche en proche…
Mais en êtes-vous sûrs? Il y a peut-être seulement quelqu’un qui a imaginé des cybes et le syn pour les contrôler, et de proche en proche vous qui écoutez.
Bon, il y a quelqu’un, vous me dites: voilà ce qui reste quand on a tout enlevé. Il y a quelqu’un qui imagine, et alors, pourquoi pas Nathany et tout le reste, et nous, de proche en proche?
Peut-être. J’y penserai. C’est une idée à suivre. Mais vous, pensez à ceci: pouvez-vous me dire quel bruit fait un arbre qui tombe dans une forêt où il n’y personne pour l’entendre? Pouvez-vous me dire le bruit d’une seule main qui applaudit? Le silence? Êtes-vous sûrs?
……………………….
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- Cinq recueils de nouvelles, en France et au Québec (L’oeil de la nuit, Janus, Ailleurs et au Japon, La Maison au bord de la mer, (Alire 2000), Le Jeu des coquilles de Nautilus (idem, 2003), Vraies Histoires fausses, autofiction mobile (nouvelles brèves), Gatineau, Vents d’Ouest, 2004). De nombreuses fictions publiées dans diverses revues et collectifs au Québec (Solaris, imagine…, XYZ, Arcade, Le Sabord, etc, au Canada (les collectifs Tesseracts), en France (Fiction, Galaxie, Yellow Submarine…) et aux USA (Amazing, Tomorrow…). Plusieurs romans publiés en France et au Québec et traduits en anglais (Canada, Grande-Bretagne, USA), et en allemand (Le Silence de la Cité, 1982, Chroniques du Pays des Mères, 1992, , Les Voyageurs malgré eux, 1996, Dreams of the sea, 2003) ; autres publications : Tyrana-l, cinq volumes (1996-1997, en cours de traduction en anglais)
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- Une trentaine de prix en France, au Québec, au Canada et aux USA. Grand Prix de la SF Québécoise (1996), Prix du Gala du Livre du Saguenay-Lac Saint-Jean (1996), Prix Boréal (1997) pour Tyrana-l. Prix les plus récents : Prix du Conseil du Statut de la femme, “Femme et littérature” (1998) ; Prix Boréal 2000 de la meilleure nouvelle (“Les dents du Dragon” dans La Maison au bord de la mer) ; Prix Aurora 2004 de la meilleure nouvelle en français (“La Course de Kathryn”, dans Le Jeu des coquilles de Nautilus).
Stranger than Fiction : Biotech XX Artists Manipulate Life :: Ernestine Daubner
Stranger than Fiction
Biotech XX Artists Manipulate Life
Current biotechnological practices allow the creation of life forms that were, not so very long ago, the domain of science fiction. Through new reproductive technologies, for example, better and smarter "designer" babies can be bred. Also, genetic engineering techniques currently produce cross-species hybrids or chimeras never before seen in nature, millions of which reside in the real world of scientific laboratories. Cloning and research into the growing of spare body parts or the culture of semi-living entities by means of tissue engineering are other examples of some of the astounding biotechnologies practiced today. Though these ground-breaking wet technologies belong to the real world of the biosciences, they also spawn many biofictions grounded in age-old inscriptions and constructions of the body, of human and non-human nature, some even revising the meaning of life itself.
Women artists are increasingly engaged in art practices that critically reflect on these biofictions. Many even employ the techniques of biotechnologies, creating new living or semi-living entities, to do so. Whether through the actual manipulation of life or by other interventions, performances and representational strategies, their diverse biotech artworks tinker with the biofictions in engaging ways. By so doing, they draw attention to the various sites where truth and myth coalesce. Following are but a few examples of XX biotech artworks. They represent four different areas of biotechnological practices: reproductive technologies, genetic engineering, cloning and tissue engineering.
SubRosa & Reproductive Technologies: Chickens, Eggs and Eugenics
SubRosa is a collective of artists who identify themselves as "a reproducible cyberfeminist cell of cultural researchers committed to combining art, activism, and politics to explore and critique the effects of the intersections of the new information and biotechnologies on women’s bodies, lives, and work." Several of their performances bring to light the biofictions inherent in assisted reproductive technologies.
U-Gen-A-Chix: Cultures of Eugenics, staged as part of the YOUgenics exhibition in 2003, was one such participatory performance. These titles already announce the kind of biofiction at the core of assisted reproductive technologies, pointing to the intimate connection between this bioscience and eugenics and the status of woman as a breeder. Of course, the female body and the issue of motherhood have been a subject of contestation for some time now. However, subRosa identifies nascent problems arising from developments in this bioscience, specifically linking human-assisted reproductive technologies to the genetic engineering of chickens, pharming, cloning, and eugenic breeding.
The pamphlet, distributed to the participants of the performance, U-Gen-A-Chix: Cultures of Eugenics, posed the provocative question: “Why are women like chickens?! So that the participants of the performance might uncover the biofictions inherent in reproductive technologies and establish their positions in this regard, SubRosa set up two performance booths, one that provided information on human egg donations and the consequences of reducing the female to the status of a breeder of designer babies.
The second booth gave participants the opportunity to taste a "sub-Rosa-made superior chicken biscuit" that allegedly enhanced memory and intelligence. Once the participants were more "intellectually endowed" in this way, they were better able to reflect on the issues at hand: how technologies, facilitating the breeding of made-to-measure offspring, coincide with certain social eugenic tendencies. Afterwards, the participants were able to give their opinions in video-taped interviews and fill out questionnaires that allowed them to evaluate their own "Fleshworth on the biotech tissue market." Humorous and ironical as such participatory performances might be, they serve a very serious purpose: to expose the insidious biofictions embedded in the seemingly benign science of assisting childless couples.
Other projects by subRosa, like Smart Mom Pregnancy Technologies, parody the marketing strategies of reprotech companies. The smart technologies marketed by this particular fictional corporation enable the obstetrical monitoring of women's pregnancy and birthing. The Smart Mom Pregnancy Technologies Corporation boasts that their products are harbingers for 'a new kind of technically engineered and assisted biological evolution which holds out the hope of the birth of a new race of cyborg platforms and cyborg organisms." For details on the array of smart products offered by this corporation, as well as other projects by subRosa, visit http://www.cyberfeminism.net/index.html. (All references above are from this site)
Faith Wilding, a founding member of subRosa, has also collaborated with the Critical Art Ensemble on such projects as Cult of the New Eve. The new Eve (an anonymous woman allegedly from Buffalo) provided her DNA for the Human Genome project, and thus became the new mother of science, heralding a new biological age. The Cult of the New Eve performs rituals exposing the close ties between science and religion: how they share similar biofictions, particularly those grounded in myths about originary genetic identities. Through cult sacraments of transgenic beer and wafers, the Cult of the New Eve confronts those who partake with their readymade ideas about genetic science. For more details on the Cult, visit http://www.critical-art.net/biotech/cone/index.html.
Beatriz da Costa: Exhibiting Transgenic Myths
Artist, Beatriz da Costa reveals still other biofictions inherent in biotechnological practices. Several of her projects, done in collaboration with the Critical Art Ensemble, serve to disclose myths relating to genetic engineering and, most particularly, the science of transgenics. This is a branch of genetic engineering where genes of one organism are isolated and spliced to incorporate the genes of another organism. This allows for the growth of transgenic crops and the creation of cross-species animals, even hybrids incorporating human and plant genes. (Such a hybrid was grown by the artist Laura Cinti. Her Cactus Project is a "transgenic artwork involving the fusion of human genetic material into the cactus genome resulting in the cactus expressing human hair." For more details on this human hair-growing cactus, visit Cinti's site http://www.lauracinti.com/ )
In the year 2000, Beatriz da Costa and the CAE were part of a participatory performance, parodying a pseudo-biotech corporation, GenTerra, engaged in developing and marketing transgenic products. The strategy of posing as a profit-driven corporation involved in research and product development, even while it professes to have a social conscience, highlights the motives and marketing tactics of for-profit ventures in biotechnologies, and the potential consequences of their products.
The performance site comprised a biotech lab tent and a bacteria release machine containing twelve Petri dishes, one of which contained transgenic bacteria. There were also several computer stations providing factual information on the science of transgenics. The GenTerra artists/scientists, all dressed in lab coats, gave out details about their products, boasting about their ability to produce healthy GMO foods and solve numerous ecological and social problems.
Once informed about the science of transgenics and about the truths and lies conveyed in the marketing rhetoric of GenTerra, the participants at the performance could actively become involved in assessing the risks of such biotechnologies. They could do so, for example, by deciding whether or not to release bacteria from one of twelve Petri dishes situated in the release machine. When the Petri dish with the transgenic bacteria was released, a robotic arm opened the lid of the dish, leaving it ajar for approximately five seconds. Then the lid was closed. For details regarding the release of the transgenic bacteria, and for more information on how GenTerra industries offer transgenic solutions for a better, greener world, visit the site at http://www.critical-art.net/biotech/genterra/index.html. In parodying biotech companies, both artist and participant effectively play out the biofictions, and discover both the positive and negative aspects of genetic engineering.
Beatriz da Costa has also been involved in other Critical Art Ensemble biotech projects. Molecular Invasion, for example, was a participatory science-theater work of 2002, which entailed a live public GMO experiment. For the duration of the exhibition in the gallery space, the collective grew reverse engineered Roundup Ready canola, soy and corn. The strategy underlying this science-theater work was to relay the truth and the lies about genetically modified organisms and the consequences of the marketing practices of biotech corporations on real people. Details on da Costa's projects can be found on the CAE website under, Contestational Biology and also under, Free Range Grain. These sites provide documentation on a number of critical issues surrounding genetically modified organisms and microorganisms: dispelling many myths and promoting public awareness on the socio-cultural and economic implications of transgenic seeds and crops.
Even though many biotechnologies can provide enormous benefits for society, there are also many dangers lurking beneath the obscured biofictions. Information provided by corporations on the various biotechnologies is abridged, selective and often elusive: they are representations that omit as much as they exhibit. Deciphering and exhibiting some of the biofictions inherent in cloning technologies is one of the goals of artist and engineer Natalie Jeremijenko.
Natalie Jeremijenko's Clones: Seeing Difference
Even before the advent of Dolly the sheep, the subject of cloning conjured up fearful images of perfect replicas of an individual, challenging notions of uniqueness and difference, and the essence of human identity. Even in the current debates on the ethics of research on human cloning, one can observe underlying biofictions, particularly concerning genetic determinism, a notion that reduces human and non-human life to genetic codes. Natalie Jeremijenko's One Tree(s) project sets out to dispel such myths, subverting the common notion that genes are "the Book of Life."
This project consists of cloned trees, produced by a method of micro-propagation, first displayed as 100 seedlings in 1998. One Tree(s) is a paradox in both the figurative and literal sense. It is literally so because these trees were cloned from a century-old walnut tree called the Paradox, with a circumference of about 30 feet. Exhibited in various stages of growth, Jeremijenko's clones may have disappointed those expecting to see science fiction versions of perfect replicas. As genetically identical clones, the trees are also paradoxical in that they represent sameness (in their DNA) and difference at the same time. Even as young seedlings, the clones displayed unique properties: distinctive branching patterns, varied numbers of leaves, and diverse growth rates.
Despite the fact they are genetically identical to the mature Paradox tree, they are most evidently not perfect replicas of the century-old tree. Neither do any of the clones even replicate their clonal others. As such, they display difference and complexity. What is significant is that the differences displayed in the cloned seedlings are not a result of variations in external or environmental factors. One Tree(s) thus challenges conventional discourse on genetics that perpetuates notions about loss of individuation and authenticity. Indeed, each distinctive cloned tree manifestly proves the opposite. Life (whether plant, animal or human) constitutes more than just genetic make-up.
Now planted in pairs, in diverse geographical public spaces, the cloned trees continue to display sameness and difference. As such, one has the opportunity to visualize, in a material way, the complexity of life itself. This is particularly significant today. With the mapping of the human genome now complete, it is perhaps more important than ever to dispel reductive notions of genetics. Is a human being not more than the sum of his/her genes? Can one think of one's genomic makeup as one's self?
If Jeremijenko's One Tree(s) project allows one to recognize the complexities inherent in all life forms, it also challenges another biofiction: that of cloned plants. The method of micro-propagation for cloning is an asexual reproduction process, similar to the creation of new plants from a cutting. As such, clones (with identical DNA but in various shapes and sizes) have surrounded us for a very long time, and have been created by many of us in our homes and gardens. For details on this and other artworks by Natalie Jeremijenko, visit, http://www.locusplus.org.uk/biotech_hobbyistNJ.html
Tissue Culture & Art: How the Aesthetics of Care Challenges Conceptions of Life
Tissue engineering is a biotechnology that promises, in the not too distant future, the ability to grow spare body parts to replace injured or defective ones. The culture of organs from one's own cells would eliminate problems associated with the rejection of a donor organ by the host body’s immune system. This revolutionary new biotechnology has been the object of some remarkable artworks.
Ionat Zurr, and her partner Oron Catts, have employed tissue engineering to make numerous semi-living sculptures from cultures of skin, muscle and bone cells grown on artificial biodegradable polymer of a variety of shapes and sizes. These semi-living sculptures, exhibited at international venues, are fragile life forms, and are thus always displayed in a fully functioning tissue culture laboratory. Such an exhibition lab includes a sterile hood, incubator, microscope, a sophisticated monitoring system, and a bioreactor that simulates the conditions of the bodies from which the cells and tissue were derived, allowing them to be sustained and to grow.
Ionat Zurr and Oron Catts became interested in tissue engineering after learning about the work of scientists who created a truly science fiction creature: a hybrid of a mouse and human ear. First, creating a prototype of a human ear out of polyester fiber and human cartilage cells, the scientists subsequently implanted this ear structure onto the back of a hairless mouse. The mouse’s tissue nourished the ear while the cartilage grew to replace the fiber. Zurr and Catts were invited to work in the Tissue Engineering & Organ Fabrication Laboratory, at Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School with Dr. Joseph Vacanti, one of the leading scientists working on the ear-mouse project. There, they learned important tissue culture techniques and, as one of their Tissue Culture & Art projects, cultivated a semi-living ear, an exact replica (1/4 scale) of the ear of the Australian artist, Stelarc. Other semi-living sculptures have, for example, taken the form, of Worry Dolls (2000), and Pig Wings (2001).
Nurturing and caring for these semi-living entities for the duration of the exhibition is an essential part of TC&A's art projects. Daily, the audience is invited to view the feeding of these semi-living entities, emphasizing the necessity of caring for these new life forms. The end of the exhibition, however, represents the death knoll for these artistic creations. At the closing of the installation TC&A perform a killing ritual in which the semi-living sculptures are removed from their sterile environment and placed in miniature coffins where they die.
By nurturing and then allowing the death of their semi-living sculptures, TC&A exhibit not only the fragility of these lab-produced life forms, but also confront the visitors with their own biofictions. Even the aesthetics of care implies the eventual termination of that care: emphasizing human power over the life and the death of the semi-living entities. In this way, TC&A challenge preconceptions of life and, significantly, the manner in which humans tend to construct hierarchies among different life species.
Such hierarchical constructs are particularly highlighted in their "victimless" projects. Their recent Victimless Leather, for example, is an attempt to grow leather from animal cells, thus without the necessity to slaughter the animal. Similarly, Disembodied Cuisine, (2003) was the growing of a "victimless" steak made from cells harvested from a biopsy taken from a frog skeletal muscle, thus also eliminating the need to kill the animal. The culture of this victimless meat was grown in a clean lab exhibition space in Nantes, France. At the end of the exhibition, the meat was cooked with herbs, flamb'ed, and then consumed in a video-taped feast by the artists, the curator, and other invited biotech artists.
The ability to create food and clothing, without killing, is certainly appealing to vegetarians and animal lovers. However, these victimless projects, as much as those involving killing rituals, touch on the very core of common conceptions (or biofictions) about life and death, and about humans' relation to other life forms. Such interventions prompt the question: when does life count? This, of course, has been an issue in abortion debates. But tissue engineering might also trigger such considerations for non-human life. Even "victimless" meat consists of living organisms and is thus still alive. But then, so too are the vegetables we eat. The act of eating, by any species, inevitably entails the act of killing life. A dinner feast of any kind is, in essence, also a killing ritual. But why is it that the killing of certain life forms for food or clothing is more problematic than destroying others? The aesthetics of care in the TC&A projects forces one to confront the most fundamental questions regarding the nature of all life (including animal, vegetable and semi-living entities) and the necessity for certain anthropocentric habits that is, the death of other life forms to maintain human life. For more details on the Tissue Culture & Art projects of Ionat Zurr and Oron Catts, visit their site, http://www.tca.uwa.edu.au.
While the various biosciences (reproductive technologies, genetic engineering, cloning and tissue engineering) illustrate the quasi-godlike ability of humans (whether they be "biotech" mothers, scientists or artists) to create life, these biotechnologies also challenge our personal and collective conceptions of the meaning and value of all life, not only those created within the parameters of scientific laboratories or biotech corporations. The XX artists, working in this area, discussed here, provide particularly important insights, casting a light on the many questions we will have to pose in the next few decades, not only about the biofictions of biotechnological corporations, but about our own (mis)conceptions of the relation between human and non-human life, many of which will no doubt have to be revised.
Entrevue avec Heidi Grundmann :: Anna Friz
Heidi Grundmann crée des liens. C'est une productrice extrêmement ingénieuse et une organisatrice hors pair qui a un don naturel pour les réseaux et une passion pour la radio. Elle a été une organisatrice clé dans le cadre de nombreux projets d’art télématique et la commissaire d’expositions et de symposiums internationaux sur la pratique de l’art dans les médias électroniques, particulièrement dans les médias de diffusion comme la radio, la télévision et Internet. Elle donne des conférences et elle écrit sur la radio, l’art et les nouveaux médias. Bien qu’elle ne se considère pas comme une artiste, les types de projets télématiques et les projets en réseau de vaste portée qu’elle a mis sur pied brouillent continuellement les distinctions entre les notions fixes d’« artiste », de « commissaire » et d’« auteure ». Elle a élaboré des moyens pour établir des ponts entre les institutions publiques et les cercles artistiques underground, servant à la fois d’agente d’infiltration et de productrice. Elle rend possible des rencontres fructueuses entre des personnes et des collectifs partout dans le monde, et depuis toujours elle fournit aux artistes l’accès aux ressources techniques dont ils ont besoin pour la production et la diffusion.
Voici un bref survol de certains des projets de télématique et en réseaux auxquels Heidi Grundman a pris part, ainsi qu’un aperçu du milieu artistique dans lequel elle a évolué.
Art télématique
Comme l’a savamment fait remarquer l’artiste radio et théoricien Gregory Whitehead : « Les générations successives de technologies ne se supplantent pas vraiment, elles se digèrent plutôt les unes les autres »1. Depuis les premiers balbutiements de l’avant-garde, les artistes ont continué à expérimenter dans l’espace électronique à l’aide de technologies de télécommunications afin d’étendre les paramètres de l’art et des communications. L’art en réseau est un art de participation. Il exige le concours de nombreuses personnes, artistes ou non, et ses résultats ne consistent pas en la production d’objets ou d’images (même si ces derniers sont souvent échangés au cours de la création) mais représentent plutôt le processus de communication en soi.
Ce qui intéressaient les artistes travaillant avec la télématique, notamment avec la radio amateure, pirate et communautaire, de même qu’avec la téléphonie, la télécopie, la téléconférence et la vidéo à balayage lent dans les années 1970 et 1980, s'étaient de bâtir des sculptures temporelles éphémères qu’une galerie d’art ou qu’un musée ne pourrait contenir ou exposer parce qu’aucun objet d’art n’était produit, que la création avait été collective, que les transmissions étaient envoyées et reçues entre des points sur un réseau et qu’il n’y avait donc pas de lieu unique pour la création artistique. Souvent, les artistes eux-mêmes n’avaient aucune idée de la portée ou de la taille de l‘uvre. Ce type d’art réseau a commencé à répondre aux aspirations des premiers artistes de l’avant-garde, dont Bertolt Brecht, qui considérait la radio comme un moyen de diffusion et de rayonnement, un format par plusieurs et pour plusieurs contrairement au modèle de radio classique d’une source unique vers de nombreux destinataires. Ces oeuvres d’art réseau représentaient une quête d’une dimension humaine dans l’espace électronique, car « si l’objet est complètement éliminé, ce qui reste sont les relations entre les participants. »2
Les performances de groupe en réseau comme Die Welt in 24 Stunden, organisée et préparée pour Ars Electronica 1982 et reliant des artistes dans 16 villes sur trois continents pendant 24 heures par l’intermédiaire de lignes téléphoniques, ont créé une chaîne de transmissions qui ont transcendé les fuseaux horaires et la distance géographique. Dans le même ordre d’idées, les collaborations télématiques entre des artistes associés à BLIX à Vienne et à la Western Front Society à Vancouver, au Canada (1979 à 1983), ont donné naissance à Wiencouver , une ville imaginaire existant dans l’espace électronique quand les artistes correspondent par l’intermédiaire des lignes téléphoniques. 3
Kunstradio et la webradio
En 1987, Heidi Grundmann a créé l’émission radiophonique Kunstradio-Radiokunst : une galerie unique pour les arts radiophoniques et de transmission, en ondes et en ligne, diffusée chaque semaine par Ö1, la station culturelle de la radio nationale de l’Autriche (ORF). Depuis 1995, le site Web de Kunstradio a étendu la portée de l’émission bien au-delà des 55 minutes qui lui sont allouées par l’ORF. Grâce à cette présence en ligne, Kunstradio a pu diffuser en continu et archiver les émissions hebdomadaires, organiser des performances en direct à des endroits particuliers, coordonner et servir de station pivot pour des projets en réseau internationaux, offrir de l’information supplémentaire relative à chaque émission et à chaque projet ainsi que publier des manifestes et des textes sur l’art médiatique. Au fil des ans, Kunstradio a fait office de figure de proue en matière d’expérimentation et d’innovation radiophoniques, et ce, tant parmi les producteurs de la radio publique et de la radio indépendante que parmi les artistes. Depuis sa création, des artistes internationaux, particulièrement de l’Europe de l’Est, ont été invités à créer de nouvelles oeuvres pour Kunstradio, ce qui a donné lieu à des collaborations mémorables avec des artistes comme Gordan Paunovic et Radio B92 de Belgrade ainsi que Tetsuo Kogawa, gourou de la micro-radio au Japon, de même qu’au travail de l’artiste autrichienne Elisabeth Schimana à I’Institut Theremin en Russie.
Grâce à Kunstradio, Wiencouver a été redécouverte en 1999 par une nouvelle génération d’artistes à Vancouver et à Vienne à l’aide de logiciels de diffusion en ligne en continu ou de la webradio. La Western Front Society et la radio universitaire/communautaire CiTR de Vancouver ont participé au projet. Wiencouver est une communauté électronique temporaire, et ce travail exige un espace de présentation plus flexible qu’une galerie ou qu’une émission radiophonique sur l’art limitée par des heures de diffusion normalisées.
Ces échanges entre Vancouver et Vienne ont pris de l’ampleur pour inclure des artistes d’autres villes, soit des vancouvérois ou des viennois expatriés ou des artistes liés par les plus vastes réseaux de l’amitié et de la création artistique. Bien qu’elle prétende n'être qu’un des nombreux points du réseau, Kunstradio sert inévitablement de plaque tournante où les artistes entrent en contact et où les projets prennent vie.
Le développement de la webradio a davantage déstabilisé ce que nous nous représentons comme étant le paradigme de la radio. Malgré une application commerciale croissante de la technologie, la radio Internet peut également fonctionner comme un média autonome de diffusion du son en continu qui n’est pas limité à l’audio et qui peut agir en modérateur d'événements en direct non reproductibles, de même que conserver des archives sonores téléchargeables. Les réseaux de webradio permettent de créer des sculptures sonores transitoires, extra-territoriales et potentiellement massives. Faisant fond sur l’art télématique, la webradio permet la création d’énormes réseaux reliant les technologies numériques et analogiques, câblées et sans fil l’art sans unique créateur ou point d’origine, embrassant le terrain commun de la créativité, où le contenu est en mouvance perpétuelle, où la ligne de démarcation entre les catégories distinctes de l’artiste/producteur et du public s’estompe et où tous les participants deviennent des points au sein du réseau.
Un des premiers projets communs de radio et de webradio fut le projet Horizontal Radio de Kunstradio de l’ORF, en juin 1995.4 Dans le cadre d’un événement de diffusion très étendu qui a relié la radio et Internet pour créer une plateforme d’échanges de transmissions, Horizontal Radio a constitué un projet de 24 heures de collaboration entre plus de 200 artistes dans 24 villes à l’échelle mondiale sur 14 réseaux de radio nationales publiques, 24 stations de radio privées, pirates et indépendantes, sur les systèmes VHF et les ondes décamétriques ainsi qu’en ligne avec RealAudio. Heidi Grundmann en a dit :
L’objectif fondamental était de permettre le déploiement d’une structure médiatique aussi hétérogène que possible… Horizontal Radio fonctionnait en tant que champ de tension expérimental généré par les caractéristiques hautement différentes de transmission et de communication des propriétés isosynchrones classiques de la radio et du contexte asynchrone ainsi que des propriétés liées au téléchargement des réseaux de données numériques.5
Le résultat fut une sculpture sonore, sociale et en constante évolution, avec un nombre de participants indéterminé, connectés tant par l’intermédiaire de technologies câblées que sans fil. Kunstradio a lancé de nombreux autres projets de collaboration en réseau ultérieurs, dont Rivers and Bridges en 1996, Recycling the Future en 1997, Sound Drifting en 1999 et Radiotopia en 2002, de même que les festivités annuelles la Fête de l’art (Art’s Birthday) de 1998 à 2005.
Un thème récurrent pour les artistes travaillant avec la radio ou avec tout média de transmission est l’accès à la technologie et aux ondes. Ni l’un ni l’autre ne vont de soi. En 1984, le pionnier de l’art des télécommunications Robert Adrian X a fait remarquer que, pour que les projets d’art télématique en collaboration soient possibles à l’échelle internationale (et non seulement en Occident), « du point de vue du coût et de la disponibilité, seuls deux moyens de communications peuvent être sérieusement envisagés : le téléphone et la radio amateure. »6 En tant que média de diffusion non réglementé et ne faisant pas l’objet de licences, la webradio est une option de rechange viable pour la radio traditionnelle dans les pays où existe une réglementation des plus strictes quant à l’octroi de permis qui empêche les artistes de répondre aux exigences ou d’avoir les moyens financiers requis pour pouvoir lancer leur propre station; mais elle peut aussi se révéler coûteuse en matière de largeur de bande et d’administration de système. Il n’est donc guère surprenant que la génération actuelle de producteurs radio utilise tant la radio FM que la radio Internet et qu’ils créent souvent du contenu et gèrent leurs activités sur des systèmes Linux Open Source à l’aide de logiciels libres ou créés par eux-mêmes.
Reinventing Radio
Heidi Grundmann fait actuellement partie d’un groupe informel de producteurs radio et d’artistes/activistes médiatiques indépendants qui cherchent à étendre les définitions culturelles de la radio. En outre, elle met au point des méthodes pour documenter des projets éphémères d’art radiophonique et d’art réseau des années 1990. En 2004, au Garage Festival à Stralsund et à Ars Electronica (Linz), Kunstradio a lancé intitulé Reinventing Radio, un projet toujours en cours . Les groupes participants incluaient des producteurs de radio indépendants comme Reboot FM (Berlin) et r a d i o q u a l i a (Nouvelle-Zélande). Les conversations et les performances réseau issues de ce projet abordent la radio dans un continuum avec d’autres médias de transmission et télématiques; elles explorent de nouvelles possibilités hybrides pour la radio.
Anna Friz : Qu’est-ce qui a éveillé votre intérêt à l’égard de la radio? En quoi la radio continue-t-elle de vous fasciner?
Heidi Grundmann : Je crois que je suis fascinée par la radio depuis ma jeunesse, car je me souviens avoir tenté ma chance une première fois comme présentatrice à la radio et avoir essuyé un refus parce que ma voix semblait « trop jeune ». En fin de compte, je suis devenue présentatrice, tout d’abord à la radio nationale de l’Autriche (ORF), ou plutôt à l'un de ses studios régionaux, puis au service allemand de la BBC à Londres. C’est là que j’ai appris à produire mes propres émissions (bien que j’aie été limitée exclusivement aux questions culturelles, la politique et les actualités étant réservées aux hommes). Peu après, j’ai commencé à faire des reportages pour le service de la culture de l’ORF depuis Londres.
Par conséquent, on m’a finalement demandé de venir travailler à Vienne en tant que radio-journaliste spécialisée dans la culture. Vers le milieu des années 1970, j’ai eu la chance de fonder une émission régulière sur les arts visuels contemporains internationaux pour la station culturelle de l’ORF. Comme ce travail a nécessité beaucoup de voyages, j’ai rencontré de nombreux artistes intéressants aux idées passionnantes tant en Autriche qu’à l’échelle mondiale. Certains d’entre eux travaillaient avec les nouvelles technologies, et un bon nombre se servaient du son comme matériau pour leurs sculptures ou avaient découvert la radio en tant qu’espace à sculpter partout où cet espace leur était accessible. Ces artistes avaient également tendance à enregistrer leurs oeuvres sur des cassettes et à les poster partout dans le monde pour échanger leur art avec d’autres artistes. Bien sûr, les cassettes étaient souvent diffusées par des émissions de radio indépendantes locales, quelque part à l’autre bout du monde, ou utilisées en tant que matériel pour des mixages en direct. Je suppose que l’on pourrait dire qu’il s’agissait de la version préhistorique de l’échange de fichiers sur Internet. De plus en plus de ces cassettes arrivaient aussi sur mon bureau, et j’ai donc ouvert une partie de mon émission sur les arts visuels pour y inclure des exemples internationaux d’« Art à écouter ».
En somme, on pourrait dire que c’est d’abord un intérêt général pour la radio qui m’a attirée, puis ce fut un enthousiasme pour la radio en tant que média journalistique très rapide et polyvalent et, en bout de ligne, ce fut la révélation que de nombreux artistes traitaient la radio comme étant le sujet, le contenu et le contexte de leur oeuvre.
Pour en arriver à la deuxième partie de votre question, ce qui continue de me fasciner avec la radio est le fait qu'elle soit toujours le média le plus omniprésent et le plus accessible au monde, s’adaptant constamment au paysage médiatique en pleine évolution au lieu de disparaître, comme cela avait été prédit à maintes reprises. Parallèlement, les technologies radiophoniques sont devenues la principale base de communications entre les personnes, entre les personnes et les machines et entre les machines elles-mêmes. Ce sont justement ces changements et ces adaptations des médias électroniques, de même que l’importance des technologies radio, qui ont capté l’attention des artistes depuis le début du 20e siècle.
AF : étant donné que la radiodiffusion est fortement dominée par les intérêts des entreprises ou des gouvernements et puisque les artistes média se tournent de plus en plus vers de nouveaux systèmes de télécommunications comme les médias locatifs, est-ce que la « bonne vieille radio » est encore un espace viable ou tactique pour l’intervention artistique?
Heidi Grundmann : La radiodiffusion subit depuis longtemps l’incidence restrictive de la réglementation et parfois même de la censure du gouvernement. Par ailleurs, la très forte influence des intérêts commerciaux se fait de plus en plus sentir dans les rares endroits où le concept d’une radio publique a persisté pendant des décennies et jusqu’à tout récemment (comme en Autriche) en vertu de lois qui interdisaient non seulement la mise en ondes de stations commerciales mais aussi, malheureusement, de stations indépendantes locales. En outre, exactement au moment où la soi-disant « mission culturelle » de la radio publique nationale est attaquée, la radiodiffusion est devenue, à toutes fins utiles, un espace tactique pour les producteurs culturels et, parmi eux, faisant parfois office de fer de lance, les artistes. On pourrait même dire que le degré d’accès des artistes à la radiodiffusion est un indicateur de la santé relative du système de radiodiffusion de toute société, du moins dans les pays développés, où la « bonne vieille radio » a également un aspect nostalgique (auquel les artistes sont loin d’être indifférents). Dans d’autres régions du monde, la radiodiffusion joue toujours un rôle vital en raison de son accessibilité relativement peu coûteuse.
AF: Qu’est-ce que l'« expanded radio »? (la radio étendue)
Heidi Grundmann : C’est une expression très expérimentale (une analogie plus ou moins associative/poétique évoquant l'« Expanded Cinema » de Gene Youngblood) qui a récemment commencé à être appliqué aux activités et aux projets d’artistes exemplaires qui sont allés au-delà du paradigme de la radiodiffusion au cours des dernières années; tout comme l’ « Expanded Cinema » a repoussé les limites du septième art dans toutes sortes d’espaces et d’autres médias. Dans le cas de la radio, cette expansion mène à d’autres paradigmes de communications, redéfinissant/brouillant la relation de producteur/récepteur, de l‘oeuvre d’art en tant que produit fini, etc. L’expression « expanded radio » fait référence aux artistes qui travaillent au sein de réseaux de radio amateure internationale et de leurs satellites, qui sont reliés à des réseaux de radiotélescopes internationaux, de satellites météo, de systèmes surveillant les mouvements tectoniques de la terre, voire de systèmes de communications d’avions ou même de capsules spatiales, ou qui ont simplement installé leurs propres émetteurs-récepteurs. Les artistes se servent désormais du système GPS, des technologies sans fil et des téléphones cellulaires. Par ailleurs, de nouveaux types de projets très enthousiasmants sont conçus dans ces espaces : des projets qui ne sont pas seulement mis sur pied pour le simple plaisir de l’art à ce qui, soit dit en passant, est une fin très légitime en tant que telle, mais également pour refléter l’impact des technologies numériques et de communications sur notre culture, sur les sociétés ainsi que sur l’art et les artistes.
AF : Au cours des dernières années, de nombreux projets ont été lancés par divers groupes d’artistes et de média-activistes pour établir des stations radiophoniques indépendantes, comme Reboot FM à Berlin, radiostadt 1 à Dresden et ��niradio à Helsinki. Dans quelle mesure celles-ci sont-elles différentes des stations de radio pirate des dernières décennies, comme Radio 100 ou Radio Patapoe à Amsterdam?
Heidi Grundmann : La radiodiffusion aux Pays-Bas représente depuis toujours un modèle de radiodiffusion unique dans le paysage médiatique européen, et ce, non seulement dans le secteur de la radiodiffusion publique mais également en ce qui a trait à ses mouvements de radio (et de télévision) activiste et pirate qui sont des sources d’inspiration à l’échelle internationale. L’histoire des médias hollandais est certainement très différente de la situation des médias allemands, fort complexe, dans le cadre de laquelle Reboot FM (entre autres) lutte pour diffuser sur des fréquences locales. Les lois de l’Europe centrale en matière de radiodiffusion demeurent très différentes de celles en Grande-Bretagne ou en Italie, par exemple. Depuis des décennies, l’Autriche a un modèle particulièrement restrictif où le monopole de la radiodiffusion publique a persisté pendant plus longtemps que partout ailleurs en Europe occidentale ou en Europe de l’Est. Il n’y a toujours pas de radio universitaire en Autriche, par exemple, donc il est très difficile de comparer l’histoire de la radio locale indépendante, parallèle, pirate, gratuite, autonome, etc. dans différents contextes européens, et encore plus à l’échelle internationale. (La situation du Canada, avec sa longue histoire de radio universitaire/communautaire, est un exemple unique en son genre avec une riche tradition d’art radiophonique).
Un dénominateur commun pourrait être que depuis de nombreuses années, des projets de radio activiste indépendante ont eu à composer avec la puissance des secteurs publics, voire avec de véritables radios étatiques (Europe de l’Est), ou avec des modèles de droits de permis prohibitifs (Europe de l’Ouest). à l’heure actuelle, à l’époque de Berlusconi, en Italie (sans doute l'exemple le plus grave en Europe), la radiodiffusion publique européenne et son obligation légale de fournir une programmation soutenant les minorités et la culture sont menacées par de nombreux facteurs économiques, commerciaux et politiques. Dans ce contexte, le développement d’un tiers secteur devient de plus en plus important pour les écosystèmes médiatiques des pays industrialisés.
Les artistes et les activistes qui s'intéressent au développement de ce tiers secteur (ainsi que du secteur connexe de la radio parallèle, indépendante et pirate) coordonnent de plus en plus leurs stratégies entre eux et essaient d’atteindre une visibilité dans le cadre des débats politiques sur le plan local et international, ainsi qu’en ce qui a trait à leurs demandes de permis et de financement, etc. Ils collaborent également au développement et à l’application de méthodes translocales novatrices de programmation décentralisée, de même qu’à la production réseau ainsi qu’au développement et à l’échange de contenu, de logiciels et de culture média.
Il va sans dire que les logiciels libres et Open Source jouent un rôle important dans tout ceci. De nombreux artistes qui travaillent avec la radio dans toutes ses formes ont au moins des connaissances de base de ces logiciels et de leurs implications, et ils ont tendance à les soutenir, à les utiliser et à les disséminer. Certains d’entre eux créent même de tels logiciels. Bien sûr, il existe une riche tradition appuyant de telles activités et une telle philosophie, particulièrement dans les milieux de l’art radio et de l’art des télécommunications en général. Une partie de l’histoire et de la tradition entourant ce type d’art porte sur des questions comme l’accès, l’habilitation, le partage des connaissances, l’utilisation ou le mauvais usage des technologies existantes, la création de nouvelles technologies, et permet à chacun de se positionner de façon critique, novatrice et subversive par rapport à ses propres activités dans des contextes technologiques sociaux et politiques hors du circuit artistique fermé.
AF : Je voudrais vous demander ce que vous pensez des dialogues qui ont commencé dans le cadre de Re-inventing Radio, projet lancé par Kunstradio lors du Garage Festival à Stralsund, en Allemagne, et à Ars Electronica en 2004. Comment les artistes considèrent-ils les questions du développement et de l’accès aux outils technologiques pour la création, l’échange et la diffusion radiophoniques, particulièrement pour les personnes hors des pays occidentaux prospères?
Heidi Grundmann : Re-inventing Radio est le titre d’un projet en cours dont, je l’espère, de nombreuses manifestations sont à venir. Ce titre fait référence au processus historique lié à l’art radio, auquel j’ai fait référence précédemment, qui démontre que des générations d’artistes ont travaillé à reconquérir la radio comme moyen de communication accessible à tous. Simultanément, les artistes se sont constamment retrouvés confrontés à la dystopie des forces politiques et économiques, qui ont réussi à faire de chaque nouvelle technologie de communications un « appareil de distribution » ou de contrôle et de surveillance.
Jusqu’à présent, Re-Inventing Radio n’a pas attaqué la question des inégalités de l'accès aux technologies numériques et autres que vous avez mentionnée. Au Garage Festival 2005 à Stralsund, ce projet a surtout porté sur la situation immédiate des participants à une réunion intensive de deux jours et a mis l’accent sur certaines des questions de première importance auxquelles est confrontée la radio culturelle en Europe, comme je l’ai mentionné auparavant. Il a été décidé à l’unanimité que les discussions sur les besoins spécifiques de l’art radio seraient reportées à une date ultérieure.
En fait, la réunion lors du Garage Festival 2005 a été l’un des points de départ pour différents types de radios d’art européennes, par exemple des stations culturelles indépendantes, artistiques ou activistes, en ondes et en ligne. Un groupe a été formé pour poursuivre ces objectifs en collaboration à l’occasion de Transmediale 2005, et il travaille actuellement activement à formuler une plateforme visant un échange intensifié de théories et de pratiques sur l’art de créer la radio et l’art radio en tant que tel.
Re-Inventing Radio et Ars Electronica 2005, outre de rares projets d’art radiophonique et un court symposium, ont également compris une « Longue nuit d’art radio » réseautée et en direct avec pour base centrale, la salle de concert de la Broadcasting House à Vienne. Ici des artistes qui, depuis des années, concentraient leurs efforts à défier les stratégies de production du courant dominant, étaient subitement confrontés à un nouveau format de radiodiffusion. La station culturelle de la radio autrichienne (ORF) fut l’une des premières à diffuser son entière programmation sur format 5.1 (transmission à 6 canaux) parallèlement au format stéréotraditionnel.
« La Longue nuit d’art radio » est non seulement devenue la première diffusion 5.1 en direct de la radio nationale autrichienne, mais également, fort probablement, le premier événement au monde dans le cadre duquel des artistes (de pair avec des ingénieurs du son hautement enthousiastes) se sont servis de ce format pour un nouveau type de représentation d’un projet en ondes, en ligne et sur place, en réseau à l’échelle internationale. Grâce à la transmission simultanée sur six canaux, les points à distance sélectionnés pouvaient diffuser en direct, chacun sur son propre canal.
AF : Quelle est la prochaine étape pour Kunstradio? Kunstradio est-elle solidement établie au sein de la structure de l’ORF ou est-elle, elle aussi, vulnérable aux coupures dans le financement de la programmation culturelle qui ont touché d’autres émissions de radio expérimentales au sein de la radio étatique?
Heidi Grundmann : Ce n’est pas vraiment à moi de répondre à une telle question. à l’heure actuelle, pour ainsi dire, je ne fais plus qu’observer la manière dont celle qui m’a succédé à titre de productrice de KUNSTRADIO, Elisabeth Zimmermann, réussit à surmonter les coupures budgétaires, les pressions populistes et les autres tendances négatives avec lesquelles les radios publiques (et tout particulièrement leurs stations culturelles) doivent composer.
Pour le moment, il semble que la situation de Kunstradio soit protégée et qu’elle soit reconnue au sein de la structure de l’ORF, probablement en raison des alliances formées par les artistes avec les ingénieurs du son, le personnel administratif, etc., qui ont trouvé cette collaboration avec des artistes très inspirante et éducative. Par l’intermédiaire de ces collaborations novatrices et non conventionnelles, les artistes ont réussi à influencer non pas tant les émissions de radio expérimentales (en existe-t-il?) que le paysage quotidien de la production radio et la curiosité critique des experts au sein de l’institution à l’égard des points de vue inédits sur les technologies grand public (c’est-à-dire : commerciales). On pourrait également dire que Kunstradio, grâce à sa collaboration unique avec des artistes internationaux de même que grâce à sa participation très active au sein d' Ars Acustica, groupe de producteurs internationaux d’art radiophonique de l’UER (Union européenne de radio-télévision des radios publiques), a également réussi à influencer l'attitude des membres de ce groupe et à les inciter à participer à des projets comme le légendaire événement « Horizontal Radio » en 1995et les célébrations liées à la Fête de l'Art (Art's Birthday) en 2005.
Malheureusement, Radio-Canada Montréal a cessé de participer au groupe Ars Acustica. Cependant, c’est grâce à la collaboration de longue date de centres d’artistes auto-gérés et de radios universitaires/communautaires du Canada avec Kunstradio que les projets en réseau d’art radio sont devenus une interface importante entre la production d’art radio au sein de la radio publique nationale, la radio indépendante, et la production d’art indépendant en général.
AF : Quels sont certains des enjeux en ce qui a trait à la documentation et à la représentation de vastes projets de télécommunications dispersés comme Art's Birthday ou Horizontal Radio?
Heidi Grundmann : En fait, la difficulté vient surtout de l’impossibilité de documenter de tels projets réseau de manière traditionnelle, même dans le cas de ceux récemment développés pour l’art médiatique et les installations d’art médiatique. D’abord, les projets de télécommunications dispersés représentent un défi fondamental au chapitre de la collecte de matériel documentaire à tous les points du réseau. Même si des heures et des heures de cassettes audio et vidéo et d’innombrables pages de descriptions, etc., ont été recueillies, comment peuvent-elles être évaluées de manière significative? Ces projets sont simplement impossibles à répéter et à préserver; même des simulations de technologies désuètes n’aideraient pas à recréer le réseau et les processus connexes d’échange, de production et de distribution. Il est impossible d’en faire l’expérience dans leur simultanéité totale pendant qu’ils se déroulent parce qu’on ne peut faire l’expérience que d’une version donnée, ce qui est le cas même pour les artistes qui y prennent part. La documentation de projets en réseau réside surtout dans les souvenirs des personnes qui en ont fait l’expérience, de celles qui les ont mis en oeuvre à celles qui les ont découverts par hasard à l’un ou l’autre point du réseau.
Mais comment pouvons-nous capter ces souvenirs de processus fugaces et de constellations uniques et en tirer une quelconque interprétation historico-artistique? Certains de ces projets ont marqué d’importants changements, non seulement dans notre perception et notre définition de l‘oeuvre d’art et du rôle des artistes ainsi que de tous les autres participants aux projets en réseau, mais également des changements beaucoup plus généraux sur les plans de la production et de la distribution, et même de notre perception de la vie dans une société numérisée et réseautée. Ayant moi-même été témoin de certains de ces projets, je suis persuadée que grâce à l’acte consistant à les lancer et de les exécuter, les artistes ont souvent découvert certaines des implications du changement d’une société industrielle vers une société postindustrielle. On pourrait même aussi dire que les artistes ont non seulement détecté ces changements mais qu’ils ont également trouvé des images pour les représenter alors même que de nombreux experts dans les institutions de radiodiffusion, et même des théoriciens des médias étaient encore aux prises avec des paradigmes conflictuels.
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Notes de fin
1. Whitehead, Gregory. “Holes in the Head: Theatre Operations for the Body in Pieces.” Radio Rethink: Art, Sound and Transmission. Augaitis, Daina and Dan Lander, eds. (Banff: Walter Philips Gallery, 1994). pp. 150.
2. Eric Gidney, “The Artist’s Use of Telecommunications,” dans Art + Telecommunication. Heidi Grundmann, ed. (Vancouver: Western Front, 1984), 16.
3. On trouvera la documentation dans les archives de Kunstradio (http://kunstradio.at) et dans les archives de Western Front (www.front.bc.ca).
4. Une co-production entre Transit, ORF Kunstradio, Ars Electronica 95 et l'UER (Union européenne de radiodiffusion) qui a commencé avec l'ORF Kunstradio. Documentation: http://thing.at/orfkunstradio/HORRAD/horrad.htm
5. Ibid.
6. Robert Adrian X, “Communicating,” dans Art + Telecommunication, 80.