Libertés individuelle et collective dans les réseaux : pour qui? pour quoi? :: Aude Crispel
Clamée dans les hymnes, les actes ou les devises et enjeux d'actualité majeur en Iran, au Liban, en Turquie, en Egypte ou encore au Yémen, la liberté est un principe fondamental de bon nombre de sociétés démocratiques actuelles. Pourtant, cette conception universelle semble systématiquement désavouée dans nos sociétés dites « virtuelles ». L'ambiguïté de Google et son appropriation par l'indexation de sites ou de courriels, la montée de la censure et du contrôle gouvernemental, sans parler du Patriot Act des États-Unis ou des lois HADOPI en France, pourquoi donc la liberté, si emblématique d'une société progressiste, est-elle aussi facilement remise en question lorsqu'elle s'applique aux données personnelles que nous produisons et échangeons quotidiennement?
Pour ce numéro, l'artiste Nicolas Frespech lance le débat. En effet, dès le début de sa carrière en tant que net-artiste, il saisit la liberté et le potentiel créatif que véhiculaient les utopies des débuts de l'Internet de masse. Il mit alors à profit cet espace en nous invitant à livrer librement nos secrets dans le cadre de son œuvre, Je suis ton ami(e)…tu peux me dire tes secrets . Première net-oeuvre à rejoindre les collections des Fonds Régional de l'Art contemporain, elle fut cependant censurée par ceux mêmes qui l'avaient institutionnalisée. Nicolas Frepesh nous raconte son expérience tout en dénonçant les aberrations d'un Internet où tout un chacun étale sa vie sans retenue via Facebook ou Twitter.
Face à cet état des lieux, des réponses artistiques et culturelles prennent différentes formes et ce, dans différents espaces alternatifs. Dans ce monde où s'opère un échange infini et insensé de nos données, sommes-nous capables de cerner tous les enjeux que présupposent ces innombrables collectes, ventes ou vols? Tout autant un espace qu'un collectif, l'organisme à but non lucratif Foulab est représentatif de ces espaces en marge où l'on échange connaissances, idées et explorations sur les nouvelles technologies. Christina Haralanova, elle-même membre de ce « hackerspace » situé à Montréal, nous expose leur approche du “fait le toi-même”, démarche libératoire et libertaire dans l'interrogation de nos rapports avec les technologies et les réseaux.
Profitant de l'ébullition de la transmediale à Berlin, Katharina Galla nous propose une analyse de ces œuvres qui « hackent » nos technologies. À partir des oeuvres Stalk Show de Karen Lancel et Hermen Maat et Loca: Set To Discoverable de Drew Hemment, John Evans, Mike Raento et Theo Humphries, l'auteur explore la modification des espaces publics à travers la notion de cybernétique de la sphère publiqu e. Une transformation progressive des espaces par la technologie, des espaces dans lesquels le virtuel et le réel fusionnent grâce aux possibilités techniques et tactiles des interactions humain/machine.
Cependant, dans notre lutte pour préserver notre liberté face à l'intrusion technologique, l'espace n'est pas le seul paramètre à prendre en considération. Notre manière de communiquer et d'échanger nos propres informations n'est pas universelle. Anne Goldenberg nous invite à repenser notre méthode de production de savoir collectif. Wiki, textes ou encore logiciels libres, au-delà de la simple nécessité de reprendre le contrôle, les femmes ont leur propre rôle à jouer. Son approche épistémologique féministe met en lumière les grandes lignes d'une lutte pour une réalité différente.
Notre dernière contribution et non des moindres, est un court métrage de Midi Onodera. L'artiste profite de l'espace offert par DPI pour faire un pied de nez à Twitter, Facebook, Flickr, YouTube et aux flux d'images qui inondent nos espaces. Avec ses mots, l'artiste dénonce ces innombrables images, preuves bien réelles et quotidiennes de notre liberté d'accès aux informations mais dont leurs sens se noient dans ce même flot.
Prendre conscience des possibilités de notre liberté numérique, les remettre en question et pourvoir en jouer, tels sont les enjeux de ce numéro pour le 20eme de .dpi. Alors cliquez et partagez, le réseau garde une sauvegarde de vos données...
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Dans ce numéro | In this issue
Éditorial
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Appel de textes
Production
Rédactrice en chef no 20
Directrice générale, Studio XX
Paulina Abarca-Cantin
Coordonnatrice
Comité de rédaction
Marianne Cloutier
Aude Crispel
Liza Petiteau
Sophie Le-Phat Ho
Tania Perlini
Deanna Radford
Articles
Christina Haralanova
Alex Megelas
Katharina Galla
Anne Goldenberg
Oeuvres
Nicolas Frepesh
Midi Onodera
Traduction
Elie Messiaen
Bannière
Design : Nathalie Lavoie
Animation : Aude Crispel
Webmestre
Stéphanie Lagueux
Annonce : Martine Frossard