Une mobilité reconfigurée. Par Myriam Yates
L'appropriation des nouvelles technologies par les artistes pour en modifier les usages n'est pas nouvelle. Toutefois, pour ce dernier numéro sur le thème de la mobilité, nous avons voulu nous pencher sur des projets qui ont émergé dernièrement, pour voir entre autres comment évolue l'appropriation du médium et voir par exemple quels sont les contraintes et les problèmes techniques qui pourraient entraver la fluidité de leur utilisation détournée.
Si la question du corps est liminaire aux technologies de la mobilité, il s'avère que cet appel de textes a rassemblé des projets qui couvrent un large spectre de la corporalité : du corps évanescent stationné des heures durant devant un écran, jusqu'au corps engagé dans une question de vie ou de mort (projet Transborder Immigrant Tool ).
Un article de Sophie Le-Phat Ho porte une réflexion sur ce dernier projet audacieux et militant, le Transborder Immigrant Tool, développé par un groupe d'artistes de résistance électronique qui œuvre à travers le Calit2 Lab de l'Université de Californie à San Diego. L'appareil (en gros, un téléphone cellulaire avec système GPS), aide les immigrants dans leur entreprise périlleuse de la traversée de la frontière Mexique-États-Unis, en localisant abris ou points d'eau et en les orientant dans le désert. Comme le mentionne l'auteur, la démarche du projet prend sa source dans les pratiques artistiques technologiques orientées vers les médias locatifs ou la psychogéographie, mais se démarque par son approche et son but humanitaire et politique. Un travail avec la communauté devient nécessaire dans la poursuite et le succès du projet.
On peut faire un parallèle avec le corps en danger, celui qui tente de franchir la frontière dont s'inspire leTransborder Immigrant Tool, et le corps engagé dans la performance de Constanza Camelo. Les questions d'immigration et d'occupation territoriale sont au cœur de ses actions performatives, particulièrement avec son projet Dilater ou contracter l'univers réalisé en collaboration avec le StudioXX. Dans ce cas-ci, le corps a franchi la frontière, le trajet est derrière lui. Il lui reste tout de même à affronter des obstacles. Dans cette performance, de nouveaux immigrants portent leur passeport au visage. La vision bloquée, ils se font conduire par un chien MIRA. Leur déplacement à tâtons déclenche, par un dispositif conçu au Studio, l'hymne national de leur pays d'origine entrecoupé de l'hymne national du Canada. Dans son entrevue avec Helena Martin Franco, l'artiste précise : « L'espace de l'immigrant n'existe pas, c'est son trajet qui le constitue ». Par son action de groupe, elle souligne l'autre en redoublant la présence de son corps par l'affichage de son statut civil. L'artiste pose la question : « Quel est le pouvoir de la représentation de celui qui est là quand sa présence est redoublée par son passeport qu'il porte sur ses yeux et qui l'aveugle? ». Ainsi, les relations d'occupations territoriales émergent dans ses actions performatives où le corps s'engage dans un contexte qui s'actualise en action politique.
Le corps s'engage de façon moins dramatique dans le projet The Haunting (chapeauté par le Mobile Digital Commons Network). Le participant est convié à une chasse aux fantômes sur le Mont-Royal. Le dispositif (cellulaire doté d'un système GPS) a une fonction ludique et éducative et propose un parcours qui s'échelonne sur quelques kilomètres de topographie aménagée. Sur un site emblématique de Montréal, une couche narrative se pose sur le paysage qui s'étend, en montagne. Andrea Zeffiro, co-coordonnatrice du projet témoigne d'anecdotes sur le processus de travail et propose des champs d'investigations pour encourager une implication féministe dans ce type de projet technologiquement élaboré.
Une autre utilisation du cellulaire à des fins ludiques est décrite par Aude Crispel qui présente un article sur l'artiste Nicolas Frespech qui a longtemps utilisé le Web comme médium et transpose maintenant ses œuvres sur portables. Mais contrairement aux interventions précédentes, le lieu ici n'a plus d'importance. Souvent consulté entre deux destinations, le téléphone absorbe le corps dans son tout petit écran lumineux. Les interactions ludiques proposées par l'artiste introduisent peu à peu une dimension psychologique en interpellant l'intimité. Une démarche probablement inspirée du mouvement d'esthétique relationnelle qui a été très fort en France puis ici au début des années 2000. Ses interventions se prêtent alors parfaitement au médium du portable qui favorise une certaine introspection.
Finalement de l'aspect ludique nous passons au divertissement avec une entrevue réalisée par Paule Mackrous avec Julie Cazzaro, coordonnatrice de production chez Ubisoft. Dans cette sphère très lucrative et populaire du jeu vidéo ou du jeu en ligne, on se pose souvent des questions relatives à la place et du rôle de la femme au sein de cette industrie. Cette première rencontre dresse un portrait général qui mériterait d'être développé dans des chroniques à venir. Issue d'une interrogation semblable, une réflexion de Sophie Le-Phat Ho dans une chronique intitulée MUTEK and Feminism :) fait suite à sa fréquentation du festival Mutek 2008 qui vient tout juste de se terminer.
Et pour finir sur un ton estival, l'artiste Natacha Clitandre nous offre trois petits flip books à télécharger sur notre Ipod (pour celles qui en ont un!) pour accompagner nos marches.
Bonne lecture et bon été!
Myriam Yates
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Dans ce numéro | In this issue
Articles
Chroniques
Production
Rédactrice en chef invitée no 12
Myriam Yates
Coordination
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Comité de rédaction :
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Chroniques
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Sophie Le-Phat Ho
Animation à télécharger
Natacha Clitandre
Traduction :
Ellen Warketin
Tania Perlini
Relecture
Marianne Cloutier
Sophie Le-Phat Ho
Émilie Houssa
Bannière
© Constanza Camelo, 2008. Photos : James Partaik
Webmestre
Stéphanie Lagueux
Design Web
Stéphanie Lagueux